Reds…dans le meilleur des mondes 7/7
De Liverpool à Cosmopool…
Club politisé
Malgré les idées reçues qui voudraient faire passer le club rouge pour une institution sportive non inféodée au monde politique, le Liverpool Football Club fait partie de cette trentaine de clubs qui après guerre ont été enrégimentés dans un processus politico-social européiste. Toutefois, Liverpool est un cas spécifique. Le fait politique intervient dès la naissance du club avec sa fondation par des orangistes. Le social prend forme durant les années vingt et se diffuse dans les travées d’Anfield du fait de la forte proximité du public avec l’industrie portuaire, premier employeur de la cité et de l’accord tacite entre orangiste et syndicaliste pour l’autofinancement du club. Après la fin du deuxième conflit mondial, le fait libéral, comprendre l’atlantisme, se répand dans l’ensemble du pays. Il s’immisce dans le club rouge par l’entremise du millionnaire John Moores, actionnaire du board d’Anfield. Durant toute son histoire, le club rouge ne s’est jamais départi du fait politique, même si ce dernier ne s’est en aucun cas manifesté ouvertement dans la presse et sur le terrain. Avec l’achat du club par l’américain John Henry, Liverpool a franchi une nouvelle étape. Propriétaire de la franchise US de baseball des Boston Red-Sox, l’entrepreneur américain à insuffler le carburant nécessaire pour replacer le club rouge aux avant-postes du football anglais et européen. En attendent de revendre cette affaire, enfin rentable …
L’héritage de Bill Shankly
De par son comportement, Bill Shankly tenait tout autant d’un anarchiste de droite que d’un socialiste, les deux n’étant en rien antinomique, à titre personnel, je le sais mieux que quiconque !
Un individualiste féroce, seul, plongée dans de longues réflexions à échafauder le futur du club rouge année après année et qui mit en pratique tout ce qu’il avait imaginé. En retour, il fit de son mieux pour faire profiter tout son monde. Ses adjoints, ses joueurs et les supporters. Shankly est l’homme qui a fait passer le FC Liverpool du statut de club pensionnaire habituel du championnat anglais, cinq titres en 70 ans, au statut de club le plus titré du Royaume-Uni. Cependant, en fonction de sa volonté de mélanger tout son monde sous la bannière rouge, le manager écossais à briser toute forme de lutte sociale au sein d’Anfield. À la retraite, Shankly eut tout le temps d’y penser d’où ses années moroses et un certain mal-être malgré la satisfaction du travail bien fait sur le plan sportif.
Shankly s’est donné corps et âme et sans arrière-pensée durant ses quinze années passées à la barre du club rouge, lui et son socialisme adapté à chacun. Il n’en demeure pas moins un homme qui a été utilisé et abusé par des gens sans scrupules, car il ne fut en rien un agent stipendié du grand capital. Néanmoins, John Moores libéral appliqué fut lui aussi en bute face à la déferlante néolibérale sur le pays. Malgré ce qui les caractérisait, Shankly et Moores n’était guère éloigné sur le plan politique.
Hooliganisme
L’absence du phénomène hooligan à Liverpool n’a jamais été traitée en profondeur, et pour cause. C’est au travail sous-terrain du patron de Littlewoods qu’il faut attribuer le fait d’une pacification constante des tribunes d’Anfield et de Goodison Park. Moores a pesé de tout son poids, imposant sa politique en optant pour une action en douceur. Une ingénierie sociale adaptée plutôt que d’avoir recours à la violence physique pour déstabiliser les travées d’Anfield et faire cesser toutes luttes sociales.
Classes aisées mondialisées en quête d’identité…
On peut émettre des regrets de voir un club se détourner entièrement de ses origines sociales, cependant, le club anglais aux racines orangistes a entamé une mutation complète sur le plan social et économique de par son actionnariat, mais aussi par sa manière de penser et vivre le football. Un monde étranger aux supporters légitimes. Le kop n’a pas survécu à la politique de Moores. Bien plus tard, la City et tous ses bras armés l’ont attaqué déconstruit et spolié de sa mémoire. Mais peu importe, pour la captation mémorielle, le capital n’a pas entendu longtemps et a transformé la chose. Avec un ticket de match, une écharpe autour du coup, on peut désormais s’acheter une mémoire…
Désormais, quoi de plus risible que d’observer ses tubes digestifs en quête d’une identité qui leur est étrangère. Quand on vous dit le football mène à tout ! John Moores avait tout compris.
Club EasyJet
Dans cette arène aseptisée règne un occupant d’un type bien particulier. Comme bien des stades européens, les travées d’Anfield regorgent de friqués cosmopolites en quête d’identité venus quémander une parcelle de vie par procuration. Assis ou debout dans ce qui n’a plus que le nom de Kop, ils prennent la pose. Bariolé de rouge et hystérisé au son du you never walk, ils trônent fièrement en lieu et place de petites gens légitimes, expulsés, vaporisés et renvoyer devant leurs téléviseurs. Il est loin le temps ou les tickets de match se vendaient encore pour quelques livres. Merci Hillsborough, le rapport Taylor et la libéralisation concernant les droits télé. De nos jours il faut débourser des centaines de livres pour voir évoluer les rouges à domicile, sans parler du prix exorbitant des abonnements. Récemment, un pan supplémentaire du quartier d’Anfield a été rasé pour permettre l’agrandissement de la tribune d’honneur pourvu de nouvelles loges. On attend l’acte suivant, la mise à disposition par les employés du club de prostituées et de la coke à profusion pour des clients fortunés et cadres de grandes sociétés. Les clubs oligarques sont des fabuleux laboratoires de recherches…
Un Club qui a toujours collé au courant dominant
De nos jours, beaucoup d’anciens joueurs et supporters regrettent le temps ou le FC Liverpool était un club étendard de la justice sociale. Un club dévoué entièrement à ses supporters. C’est oublié qu’il le fut au prix d’accords secrets. Les grands gagnants de cette mutation accusent – ils osent tous – ses gens de ne pas accepter la très fameuse « évolution du temps »
En fait, ses petites gens regrettent une chose. De ne pas avoir pu défendre ce que leurs parents et grands-parents avaient soutenu. De ne pas avoir pu transmettre cet héritage à leur descendance. L’absence d’un esprit communard de haute intensité, la corruption des syndicats additionnés au ralentissement de l’activité portuaire ont été fatales à la communauté locale qui soutenait le club rouge depuis ses débuts. Il ne faut pas aller plus loin. Enfin, on constate à quel point le board d’Anfield s’est conformé à la lettre, quelles que soient les époques, au courant politique prédominant dans le pays.
Énième mutation
De nos jours, le club rouge continue sa mutation. Gentrification des tribunes et une équipe ultra-cosmopolite au menu. Les jeunes de la ville et de la région étant presque systématiquement rejetés par le club. Bien qu’Anfield ait évité de devenir une gériatrie pour boomers scandinaves, rôle dévolu à Old-Trafford, le stade du club rouge a perdu son public d’origine. Le board d’Anfield travaille de près avec la Moores University. Une entente mutuelle entre les deux entités dans un but commun. Exalter le présent, le néolibéralisme et le mondialisme, des fondamentaux idéologiques auquel le libéral forcené John Moores était étranger. Les historiens en manque de galons menteurs patentés aux services des tenants de la noble et sainte démocratie bourgeoise et néolibérale sont au travail.
Conclusion
À la lecture de ses sept sujets, il est évident que l’on est très éloigné de ce qui se raconte au sujet de ce club considérer par la presse et les amateurs de balle au pied comme le Graal en matière de morale. Simple logique, le monde du football professionnel à un besoin vital de se raconter de belles histoires. Fondé par des orangistes, coopté par des syndicalistes, transformer par un libéral, absorbé par des néolibéraux et cédé au capital apatride, l’histoire du club rouge n’est en rien linéaire. C’est une chronique délicate d’où l’impossibilité de la transcrire dans ses moindres détails. Pas vendable, voir irritable pour les nouveaux consommateurs.
Faut-il être déçu ? Non, car il en est ainsi de tous les clubs enrégimenté dans le processus politico-social européiste de l’après-guerre. C’est gluant et toxique, cependant, le monde est en train de changer, comprendre les rapports de forces avec la fin de l’OTAN, le Brexit et le transfert en voie d’achèvement de la base “production et enrichissement” de l’Europe à la zone pacifique. Il ne fait aucun doute qu’à l’avenir le club rouge trouvera encore les ressources nécessaires pour s’adapter à la nouvelle donne avec comme langue officielle l’anglais, mais aussi le mandarin, histoire d’être en adéquation avec son temps.
Le public préfère le mensonge à la vérité. Il paye cher pour ça. Cette vieille enseigne orangiste, proto néolibéral socialo-marxiste, vassalisé et américanisé, ne risque pas de manquer de supporters à l’avenir…