Reds…dans le meilleur des mondes 6/7

Déferlante néolibérale…

“Nous sommes un club très, très modeste. Nous ne parlons pas. Nous ne nous vantons pas. Mais nous sommes très professionnels” John Smith président du board du club rouge.

Le rouge est mis !

À l’orée des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, le club rouge qui décidément colle trait pour trait à son époque est happé par la déferlante néolibérale. Le néolibéralisme à l’anglaise est un concept idéologique qui repose sur la notion de clans avec comme déterminisme, le népotisme et l’arraisonnement d’une société et des ses moyens de production tout entier soumis aux besoins de ses clans par la société du dividende transnationale. De nos jours, l’ex-empire devenu l’empire chez soi, n’est plus qu’un no man’s land dont les ressources profitent à une élite sécessionniste.

L’effet Paisley

Avec l’apport des différentes campagnes européennes, le club rouge rentre dans ses comptes. Bien gérer, Liverpool dégage des profits, certes minuscules, néanmoins les actionnaires ne perdent pas d’argent, John Moores, le premier !

Bob Paisley ancien joueur de Liverpool ayant pris la suite de Shankly après l’avoir assisté collectionne les trophées. Paisley est un artisan du football, un amoureux des choses simples. Sa bonhomie et son paternalisme  contribue a faire de Liverpool un club familial, là où ses adversaires étaient aux prises avec le hooliganisme et la folie des grandeurs.

Folie collective !

Sur le plan footballistique, Liverpool se maintient au plus haut niveau, le tout récompensé par deux nouveaux titres de champion d’Europe. En 1985, le club rouge parvient à rallier Bruxelles en vue d’une nouvelle finale de coupe d’Europe. L’adversaire, la Juventus de Turin. Tout le monde pense connaître plus ou moins l’histoire du Heysel. Or, la tragédie du Heysel n’a jamais été élucidée. Certes, des idiots chauffés à blanc et imbibés d’alcool ont été condamnés pour avoir chargé les malheureux supporters italiens et belges parqués dans le quart de virage, la tribune Z, mais pas les meneurs. Ceux qui ont déclenché les hostilités, la première charge, n’ont jamais été inquiétés, car une heure et demie avant le coup d’envoi, les caméras ne tournaient pas ! Pas vus pas pris. Qui étaient-ils ?

Certes, j’étais jeune, mais de mémoire, je n’avais jamais vu un climat aussi acide avant une finale de Coupe d’Europe. Je n’ai jamais vu ça par la suite. Une ambiance a coupé au couteau. Des propos irresponsables durant la quinzaine qui précède la rencontre. En France, le réseau de presse qui couvre Platini – suivez mon regard – est sur les charbons ardents et crache sa haine du club rouge. Chez certains dirigeants du club piémontais, on parle de sang qui va couler sur le terrain, je passe sur le reste et ce conditionnement étouffant. Vaincre ou mourir ! Il n’a jamais été question de fête du football, mais de créer un climat propice afin que s’exprime la violence, mais pour quelle raison ?

Certes, les deux clubs se trouvaient en délicatesse. Pour la formation transalpine et ses trentenaires champions du monde, c’était maintenant ou jamais. Quant au club rouge, il était sur le point d’être dépassé par son rival le plus proche Everton, cependant, il n’y avait pas de quoi en faire un drame.

Le manque de professionnalisme des autorités belges a été mis en avance par la presse pour expliquer l’inexplicable. Cependant, quand on prend le dossier dans sa totalité, on ne peut se permettre de faire place au doute. Voir dans ses responsables que de simples amateurs qui eux aussi ont été condamnés à de simples peines, tient de la cécité volontaire. Alors, complot ?

C’est un mot à la mode. Rappel, le complot est un acte indissociable de la démocratie bourgeoise et libérale. C’est le combustible nécessaire à cette dernière pour fonctionner, car basé sur la restructuration du capital en permanence.

Pain bénit

j’ai toujours pensé qu’il fallait s’en tenir au résultat qu’a produit la tragédie du Heysel, plutôt que de partir dans  une série de théories le plus souvent hasardeuses. Maintenant, je n’ai jamais adhéré au simple concours de circonstances vu le déroulement des évènements !

Une fois la nuit de l’horreur passée, le Heysel sert de prétexte aux néolibéraux pour contrer et annihiler toute forme de résistance. Dans chaque rédaction de presse, le mot d’ordre est de cultiver la peur. Le “plus jamais ça” est brandi en étendard. Faire la morale, culpabiliser les supporters et les téléspectateurs.

Trois ans plus tard survient la catastrophe d’Hillsborough. Tout a été dit. Là encore, des procès interminables ou tout le monde se renvoie la balle. La ritournelle habituelle,  quand on veut étouffer la vérité. On laisse traîner indéfiniment. Et qui a le pouvoir de le faire ?

Le Heysel et Hillsborough ont été du pain bénit pour les néolibéraux. La tragédie de Sheffeild met fin définitivement à 110 ans de football en Angleterre et en Europe, et à terme sert de prétexte pour redéfinir le cadre de la tribune. Comprendre, la restructuration du capital …

Robbie Fowler condamné !

Le 25 mars 1997, Robbie Fowler affiche son soutien aux dockers de Liverpool, pris dans une grève interminable. Lors d’un match de coupe d’Europe, le natif de Toxteth, quartier ouvrier de Liverpool et leader de l’attaque du club rouge inscrit un but face aux norvégiens du SK Brann . Fowler se dirige vers le Kop, soulève son maillot et exhibe un tee-shirt. Il est inscrit “pour les 500 dockers virés depuis 1995”.

Le lendemain, les instances de l’Uefa se réunissent en urgence. Vous avez dit urgence ? ?

Un footballeur de l’envergure de Robbie Fowler qui prend parti dans un conflit social est une position inacceptable pour les gens de l’Uefa, chargé de veiller à ce que le football reste hors de portée du champ politico-social. On croit rêver, puisque sous la férule de son président le norvégien Lennart Johansson,  l’organisme zurichois prônent des dérégulations tous azimuts, se conformant avec dextérité aux recommandations et exigences de l’Union européenne, dont l’Uefa est un bras armé. Fowler est condamné avec une amende à la clé. La direction du club rouge soutient son joueur, mais sans aller trop loin.

La presse, faut-il le rappeler outil de propagande aux mains des forces libérales ne sait comment tourner la chose. Gênée aux entournures, elle prêche la sainte parole, arguant que le football ne peut être pris en otage par de telle manifestation. Un discours bien rodé, classique et qui ne rencontre aucune opposition. Sois belle et tais-toi. Depuis, aucun acteur du jeu n’a osé s’extirper de sa condition sociale avantageuse pour soutenir des travailleurs dans un conflit social.

Après l’affaire Fowler, les dirigeants de la Fifa, l’Uefa et leurs sponsors redéfinissent le cadre de la mission politico-sociale du footballeur professionnel. L’antiracisme et l’aide à l’enfance !

Quant au board d’Anfield, il soutient son joueur, mais sans aller trop loin. l’héritier David Moores sait comment tourner l’affaire. La douceur et un dialogue de circonstance plutôt que l’affrontement.

Le tour du jeu !

Durant les années quatre-vingt-dix, peu de joueurs de bons niveaux émergent en Angleterre. Le football local s’enlise, incapable de se renouveler en puisant dans ses racines, son savoir et son acquis, car freiner de toute part par les agents propulser sur le devant de la scène par les propriétaires de clubs. Conforté par le virage pris par Arsenal et son entraîneur Arsène Wenger, le board d’Anfield sous le contrôle de l’héritier David Moores décide d’engager un technicien français pour manager l’équipe première. Gérard Houiller qui connaît bien le club pour avoir passé une année à Liverpool dans sa jeunesse investie Anfield. Il succède à une longue lignée d’entraîneurs artisans et à des anciens de la maison rouge.

Technocrate en lieu et place des artisans

La globalisation du jeu est le fait des techniciens français. Clairefontaine est à l’origine de ce concept à cause du marxisme culturel qui habite les élites du football tricolore. Houiller, Wenger et bien d’autres dont on pourrait croire qu’ils sont des adeptes de la pensée de Hayek et son constructivisme ont favorisé de par leur action commune cette césure dans le jeu qui s’est peu à peu rependu dans l’ensemble du football continental, formant un alliage parfait avec les volontés des libéraux. Ériger et appliquer un modèle de pensée à l’ensemble des tenants du football professionnel. Il ne faut pas s’étonner de voir l’ancien manager d’Arsenal, devenu haut cadre technique de la Fifa.

Le club rouge ne se démarque pas de ses adversaires et se conforme à cette planification au sujet du jeu. Mettre en avance le footballeur sans spécificité. Le joueur sans frontière, le tout dilué dans un jeu générique. Les techniciens venus de toute l’Europe arrivent en masse mandatés par de nouveaux investisseurs pour en finir avec un football qui se trouve en inadéquation avec les aspirations des élites mondialistes. Dans cette vaste recomposition sociale et économique, le club rouge se maintient tant bien que mal et réussit des coups ponctuels dans les différentes coupes nationales et européennes.

Plus-values

En 2007, David Moores décide de céder le club rouge à deux investisseurs américains et canadiens pour la somme de 220 millions de livres. Pour un club qui ne valait pas le dixième de cette somme quinze ans auparavant, on mesure facilement les effets d’un football livré au dogme liberal. Moores bien qu’héritier est un dinosaure de l’ère libérale. Le temps de la financiarisation complète du football professionnel est arrivé.