Phil Hill, l’ambassadeur 2/2
Toujours de bonne humeur, un brin taquin, Phil Hill change brutalement d’attitude juste avant le départ de chaque course. Il fume cigarette sur cigarette, nettoie sans cesse ses lunettes, ausculte son casque dix fois, avale la moindre information, surveille avec minutie la moindre intervention de ses mécaniciens sur sa voiture. Nerveux, il se décontracte dès qu’il est installé dans sa monture.
En catégorie sport, Phil Hill et Olivier Gendebien forme un duo quasi imbattable. Ils pilotent froidement sans incident au volant de voitures régler comme des horloges, au point de dégouter la concurrence, par moment. Ferrari se félicite pour une telle association, mais le Commandatore reste un homme de la course. Il ne cesse de modifier les équipages, histoire de voir si un duo de pilotes peut émerger et battre les duettistes. Hill et Gendebien remportent plusieurs épreuves dont le point culminant est leurs trois victoires communes au 24 heures du Mans.
Imbattable, avec Olivier Gendebien
En 1960, Hill jamais épargner par les incidents mécaniques dans la prestigieuse Targa Florio, espère enfin un dénouement heureux. Associé avec son coéquipier en Formule 1, le pilote allemand Wolfgang Von Trips, ils perdent rapidement les premières positions. Von Trips est sorti de la route. Les spectateurs aident le pilote allemand à remettre la voiture en piste. Le coureur germanique a perdu beaucoup de temps toutefois, la voiture n’est trop abimé. Dès lors, les deux champions pilotent comme des possédés.
Après sept heures trente d’une course intense sur les routes sinueuses et glissantes de Sicile, Von Trips et Hill termine deuxième à six petites minutes du duo Bonier/Hermann sur leur Porsche 718. Une des plus grosses déceptions de Phil Hill en compétition. Malchanceux et battu pour rien, sur un tracé ou son pilotage naturel faisait merveille.
Ce qui aurait pu être le plus beau jour de sa vie, va virer au drame. Alors que les deux meilleurs pilotes de la Scuderia sont en tête du championnat de la saison 1961, arrive le rendez-vous de Monza. Dominateur au volant de leur F156 à nez de requin, Von Trips et Hill se détache au championnat et se retrouve à Italie. L’aristocrate allemand semble avoir pris l’ascendant sur le pilote américain. Peu performant aux essais, Hill à l’air affecté. Le jeune Ricardo Rodriguez, engagé lors de cette course par la Scuderia, le précède. En fait, Hill n’aime pas Monza. C’est un tracé sans aucune particularité et dangereux qui lui rappelle les speedway aux USA.
Pourtant, dès le premier virage, Phil Hill bondit et devance ses coéquipiers. Le californien n’en reste pas là. Très remonté, il prend la tête de la course devant Ritchie Ginther qui pilote la quatrième Ferrari. Au deuxième tour, Hill se détache quand survient un accident. La Lotus de Jim Clark et la Ferrari de Wolfgang Von Trips se touche. Alors que le pilote écossais est à l’aspiration dans la ligne droite qui mène à la parabolica, il déboite à gauche et se porte à la hauteur du pilote allemand qui ne le voit pas. Von Trips se rabat et c’est le choc. La Ferrari s’envole dans la foule, tue quatorze personnes, le champion allemand est éjecté de sa voiture et git sur le talus. Les secours interviennent immédiatement. Toutefois, la course n’est pas arrêtée.
Phil Hill, lâche Ginther et fait le trou avec ses poursuivants. Il s’impose en solitaire.
Après avoir franchi la ligne d’arrivée, les officiels remettent le trophée de la victoire à Hill. Souriant pour la forme, il se tourne alors vers les gens qui l’entourent, et demande ce qui s’est passé, personne ne répond correctement, certains parlent de gens qui ont trouvé la mort et Von Trips est peut-être décédé. La confusion règne de partout. Un peu plus tard, Carlo Chiti le prend à part et lui confirme que Wolfgang Von Trips est mort, ainsi que plusieurs spectateurs, même si tout reste flou à ce moment-là. Chiti le réconforte comme il peut…
Champion amer…
C’est une saison étrange. Hill à presque tout gagner, néanmoins l’ambiance n’est pas au beau fixe au sein de la firme de Maranello. L’épouse d’Enzo Ferrari se mêle de tout. Enfin, l’usine est prise dans une multitude de conflits sociaux qui altèrent la marche de l’entreprise. La saison qui suit le titre est d’une grande tristesse pour le Cavallino. Las de toutes ses querelles, les principaux collaborateurs du commandatore dont Carlo Chiti, le directeur technique de la Scuderia et Romolo Tavoni, directeur sportif, claque la porte et vont fonder l’entreprise ATS. Ils emmènent avec eux Giancarlo Baghetti et Phill Hill.
C’est la deuxième fois qu’Hill trahit Ferrari. La première fois, le Commandatore avait froncé les sourcils, quand le pilote californien s’était aligné dans un Grand Prix au volant d’une Maserati privée. Cette fois, la trahison est d’une tout autre envergure. Sentent Hill navré de cette situation, Ferrari préfère reprendre les commandes de sa chère Scuderia et d’écarter madame. Le projet ATS est un fiasco. La saison suivante, Hill atterrit chez Cooper qui a perdu de sa superbe. Résultat, une saison sans intérêt.
La saison suivante, le champion américain ne reconduit pas son bail avec Cooper et prend ses distances avec la Formule 1, néanmoins il participe à la série Tasmane en Australie qui précède la saison de F1. Là, au milieu d’une multitude de prétendants au titre, il s’amuse et termine régulièrement dans les points. Certes, sa Cooper n’est pas au niveau de ses concurrents, mais avec un moteur d’une cylindrée supérieure, Hill est plus à l’aise et souvent titille ou précède ses adverses dont Jim Clark, Jack Brabham, Jackie Stewart et Graham Hill pour la victoire.
En 1966, il s’engage avec l’écurie texane Chaparal, une marque fondée par deux pilotes, Hap Sharp et Jim Hall. Avec Chaparral, Hill connaît une deuxième jeunesse. Associé à Joaquim Bonnier, il remporte les 1 000 kilomètres du Nürburgring. Son pilotage sur les tracés naturel est toujours à la hauteur. Durant cette année, il participe à la production du film Grand Prix réalisé par John Frankeimer. Il sert de conseiller technique et joue le rôle d’un pilote, coéquipier de son ami, l’acteur James Garner.
Garner dans le rôle du champion américain Pete Aron, c’est un peu l’histoire de Phil Hill.
Fatigué et atteint psychologiquement de voir autant de tragédie sur les circuits, il décide de participer à sa dernière saison en catégorie sport. C’est aux 1000 kilomètres de Brands Hatch qu’il remporte au volant d’une Chaparral, qu’il saisit l’occasion de se retirer du monde de la course automobile. Il est “entier”.
Enzo Ferrari n’avait aucune empathie pour les nord-américains, mais avec Phil Hill, son américano, il en était tout autre. La trahison passée, les deux hommes finissent par se réconcilier rapidement. On pouvait difficilement se fâcher avec Phil Hill qui était un homme simple, d’une grande bonté, et fier d’avoir porté l’étendard du Cavallino, un peu partout à travers le monde.
Ainsi, ce pilote un peu perdu au milieu d’une constellation de grands champions qui ne compte que quelques victoires en Grand Prix et un titre de champion du monde en formule 1, reste dans l’ombre de l’histoire de la formule reine du sport automobile. Néanmoins, son apport à la course automobile en catégorie sport est énorme, il en est de même pour le compte de Ferrari.
Après avoir quitté Londres au soir de sa dernière prestation, Phil Hill rentre en Californie. Marié et père de deux enfants, il fonde une société spécialisée dans la restauration de véhicules et collabore avec le journal Road & Track. La maladie de Parkinson l’emporte en 2008, à l’âge de 81 ans.
