Militarisation du jeu 2/2

Militarisation

Jeronimo Bastos, commandant de brigade, dirige la communication de la sélection, Admildo Chirol qui demeure à son poste est assisté par les jeunes Claudio Coutinho et Carlos Alberto Pereira que Coutinho a côtoyé à l’Université. L’entraînement des gardiens est confié à Raul Carlesso, lieutenant dans l’armée de terre, le travail du staff technique, est sous les ordres du capitaine Joseph Bonetti. Le stasiste Mario Americo demeure à son poste, quant à Mario Zagallo, il reste en marge du travail fourni par les militaires. Il supervise l’état de forme des joueurs, décide de la composition finale et de la tactique de son équipe tout en faisant part de sa réflexion aux joueurs.

Ainsi, lors de la triomphale victoire du onze auriverde en terre aztèque, le monde de la presse spécialisé, ignore que la prestation de la Seleção fut le fruit d’une entente bicéphale. Un coach indépendant, soutenu et partageant son pouvoir d’action avec ses joueurs, de l’autre, la présence exclusive de militaires dans le staff technique chargé de toute la préparation médicale et physique et de la communication de la sélection.

C’est aussi une victoire avec un arrière-goût de déjà-vu. Des joueurs responsables et autonomes. Ce ne sont pas les sélections uruguayenne et argentine qui ont écrit le dernier chapitre du football rioplatense, mais ce Brésil 70.

Départ d’Havelange et déclin irréversible

Quatre ans plus tard, un fait majeur intervient. En 1974, João Havelange est élu président de la Fifa. Havelange délaisse la CBF, le Brésil rate plus ou moins son mondial en Allemagne, la Seleção termine quatrième de cette Coupe du Monde. Après ce demi-échec, les militaires s’emparent du pouvoir, ils imposent leurs visions du football sur tous les aspects technique, tactique et physique sans pour autant placer, un des leurs, à la tête du onze national. Oswaldo Brandão reprend les rênes de la sélection. Par son expérience et son expertise du jeu, il représente une forme de compromis général. L’homme fort au-dessus des querelles.

La Seleção en mode paramilitaire

En 1977, la CBF met un terme au contrat d’Oswaldo Brandão, qui a remporté le tournoi du bicentenaire aux États-Unis. Brandão ne s’explique pas sur le fond sur cette rupture entre lui et les gens de la CBF. Certains avancent le rôle de la presse de Rio, qui désapprouve la présence de Brandão à la tête de la Seleção. La nomination de Coutinho est une surprise pour l’ensemble des spécialistes, bien que le nouvel homme fort de Granja Comary, ne soit pas un néophyte en matière de coaching. Il entraîne depuis une saison, le club de Flamengo.

Cláudio Coutinho prend rapidement en main, le onze auriverde, pour appliquer sa philosophie de jeu. Il ne révolutionne pas le jeu de son équipe, suite au passage de Brandão, elle évolue dans un style européen, depuis plusieurs années, Coutinho travaille sur les nombreux manques qu’il perçoit dans le football brésilien. Savoir défendre et détruire l’adversaire. Au passage, il se sépare de certaines vieilles gloires, dont Roberto Rivelino.

Coutinho, ne surprend guère son monde par sa liste des vingt-deux joueurs qui l’accompagne en Argentine. Le piètre Chicão de l’Atletico Mineiro est préféré à Roberto Falcaõ, le meilleur “volante” du football brésilien. Coutinho veut du muscle et de la discipline. Le volante, joueur hybride, défenseur, relayeur, créateur et buteur capable d’apporter des solutions en cascade est considéré par Coutinho et le courant qui le soutien comme une tare dans le football moderne. Pourtant, Falcaõ est le joueur symbole de la domination de son club, l’Internacional Porto Alegre, sur le football brésilien. Le club Colorado est aux mains de l’entraîneur, Rubens Minelli.

Minelli, joueur professionnel durant les années cinquante, met fin brutalement à sa jeune carrière de footballeur, suite à une blessure. Guère abattu par ce coup du sort, il décide de continuer son chemin dans le monde du football. Minelli prend en charge l’équipe de l’université des sciences de la faculté de São Paulo. Des années plus tard, il remporte le titre national, avec le club de Palmeiras. Il connaît, durant les années soixante-dix, la consécration avec le club Colorado. Minelli met à profit, le temps que lui donne la direction du club de l’Inter, pour approfondir ses théories sur le jeu.

Passionné par l’aspect tactique, il connaît le déroulement des plus grandes batailles de la Deuxième Guerre mondiale sur le bout de ses doigts. Comme tant d’entraîneurs brésiliens passés par la faculté, l’art de la guerre de Sun Tzu, fait partie de ses lectures. Il élabore pour son équipe, un système de jeu fondé sur une défense solide qui ne participe guère aux mouvements offensifs, Minelli compense ce manque, par la position et le rayon d’action de son demi-centre Roberto Falcaõ.

L’Inter en mode “retranqueiro” s’articule autour d’une défense solide, d’un jeu direct et physique, mais qui demeure spectaculaire. Ce paramètre est dû au niveau technique de la formation de Porto Alegre. Minelli remporte quatre titres de champion d’État, et deux titres nationaux. Cependant, Coutinho qui aurait pu calquer sa sélection sur celle de l’Inter et intégrer Falcaõ, rechigne à changer quoi que ce soit à son équipe. Toujours les mêmes rivalités et affrontements entre des gens issus de la même matrice, mais aux opinions divergentes, sans parler du reste…

Inintelligence

Durant le mondial argentin, les médias critiquent l’action et la formation de Coutinho, qu’elle juge trop fébrile et sans inspiration.

Le Brésil déçoit, sur l’ensemble de la compétition, triste pour tous les observateurs et les amoureux de la seleção, toutefois les coéquipiers de Zico obtiennent la troisième place du tournoi. Une performance rehaussée, grâce à la présence de certains joueurs, dont Dirceu et Nelinho, le latéral droit qui par son activité inlassable et ses deux buts, dont celui qui offre la troisième place au Brésil face à l’Italie, dissimule, l’absence d’entreprise créatrice de la formation auriverde. La CBF est un nid de conspirateurs. Tout le monde tire sur tout le monde. Chaque courant veut avoir la mainmise sur la sélection.

La saison suivante, Coutinho échoue avec son équipe en demi-finale de la Coupe America face au Paraguay. Les responsables, de la CBF, préfèrent en rester là, Claudio Coutinho réintègre le club de Flamengo. Si le courant universitaire et militaire n’est pas désavoué, il s’agit pour les cadres de la CBF de sauver les meubles, même si le Brésil en a vu d’autre, il faut laisser de côté les rivalités et travaillé à créer un électrochoc.

Réparation

Dans ce type de cas, les cadres de la CBF savent vers qui se tourner. Le tour des coaches, anciens joueurs professionnels éloignés des cercles de pouvoir, pourvu d’un état d’esprit positif et porter vers la notion de jouer ne sont plus légion au pays du futebol. Giulite Coutinho, missionne Télé Santana, à la tête de la sélection…