Macadam scouser

Maître à jouer du Liverpool Football Club et de l’équipe nationale durant plus d’une décennie, Steven Gerrard est un pur produit de la tradition footballistique britannique. Le joueur est intéressant, car il a réhabilité une manière de jouer qui a tendance à s’atténuer au sujet des grands meneurs de jeu en perfide Albion.

Il est frappant de constater à quel point il n’y a aucune traçabilité au niveau de son jeu par rapport à ces glorieux prédécesseurs. Loin d’un Glenn Hoddle qui évoluait dans le registre du latino élégant ou d’un Paul Gascoigne pourvu d’un style percutant ou encore d’un David Beckham, son contemporain trop préoccupé par son esthétisme.

Les épaules carrées le buste droit bien qu’il présente une attitude légèrement voûtée le gaillard est facilement reconnaissable entre vingt-deux acteurs d’une rencontre. Dès qu’il récupère la balle il se positionne intensément avec vigueur face au but il s’évite le plus possible la situation qui l’oblige à orienter le jeu en étant de côté, ce que l’on remarque chez bons nombres de joueurs Anglais.

Ses réussites parlent d’eux-mêmes, il pose d’emblée l’identité du joueur, quand il inscrit un but, il y a toujours une forme de demi-surprise. Cela provient de sa conduite de balle. Quand il est en possession du cuir, on ne peut pas deviner ce qu’il va faire. On ne remarque aucune préparation perceptible qui va engendrer chez lui un geste soudain que ce soit un dribble une passe ou un tir son jeu n’est pas lisible. Sur le plan technique, le stratège des Reds reste plutôt limité. Ce manque provient de sa formation de jeune apprenti footballeur la domestication du cuir n’étant point une priorité et de sa constitution physique. Son corps est profondément raidi il n’est pourvu d’aucune souplesse. Dans l’action sa prise de risque est maximale dans tout qu’il entreprend. D’abord sur le plan défensif où son abattage est impressionnant. Gerrard semble presque prendre autant de plaisir à tacler un adversaire en récupérant le ballon que de servir un partenaire qui va marquer.

Il y a une jouissance dans tout ce que joueur concrétise sur le terrain. Il n’y a aucune appréhension chez lui. Ses duels aériens sont aussi l’expression d’une grande confiance. Gerrard n’est pas un sentimental, ça passe ou ça casse, et si cela échoue à l’occasion d’un penalty raté, il se remet au travail et recommence sans que le moindre doute l’assaille.

Sa connaissance tactique sa faculté à analyser et à gérer une partie en cours est un atout majeur pour son équipe. Ce qui fait de lui un authentique capitaine. Lors de la saison 2008-09, Gerrard inscrit un but face à l’olympique de Marseille dans le cadre de la Champions League au stade Vélodrome qui résume le joueur. Après avoir récupéré la balle, les Reds contre-attaquent, Kuyt sur le côté transmet le cuir à Gerrard qui se place dans l’axe à vingt mètres des cages adverses.

Positionné de côté par rapport au but de Steve Mandada, le portier marseillais, il pivote légèrement sur sa jambe d’appui, puis bascule son buste vers l’avant, il projette l’effet d’une grande souffrance et au prise d’une incroyable contorsion, il frappe avec l’intérieur du pied et propulse la balle en pleine lucarne. Le bitume anglais apporte aussi sa contribution au football. Le jeu a besoin de se nourrir de se construire et de vivre de ces différences et au royaume de Sa Majesté Steven Gerrard a incarné cette identité plus que tout autre joueur. Étudier Gerrard c’est comprendre certains aspects du jeu anglais, il est le meilleur exemple.