L’informateur

Lors du mondial 2010, éclate l’affaire de Knysna en Afrique du Sud. Pendant cet interminable psychodrame, le capitaine de la sélection tricolore prétend vouloir traquer la taupe qui sévit dans le groupe. La totalité de la presse a joué sur du velours. Après avoir porté aux nues un ensemble composé de joueurs défaillants, elle s’est désolidarisée des bleus en un éclair.

Je ne vais pas refaire ici le film de Knysna, tout a été dit ou presque…puisqu’on cherche toujours la taupe. Pour information, pour ceux qui ne savent toujours pas, il faudrait parler de deux informateurs dans cette affaire. L’attaquant vedette, relégué sur le banc de touche et le sélectionneur.

Apparition du délateur

Il serait vain de chercher à savoir à quel moment un joueur au profil d’indicateur auprès de son entraîneur ou bien de son président est apparu dans le monde du football. Les spécialistes qui traitent de l’actualité du football et de son histoire préfèrent éluder cette question. La taupe dans le vestiaire, tout comme le dopage, la corruption ou bien encore la pédocriminalité à travers certaines affaires rendues publiques ses dernières années sont des sujets peu abordés par la presse mainstream.

De la passe à l’informateur

C’est en Écosse qu’apparaît l’indicateur de vestiaire. Les Écossais ont intégré la passe au jeu. Ils ont aussi apporté un tas de mantras à travers la gestion des clubs, dont le délateur à l’intérieur des effectifs. Sa mission est simple. Il renseigne son entraîneur par des comptes rendus sur l’état d’esprit de l’ensemble des joueurs, ceux qui critiquent le manager dans son dos, ceux qui pensent que l’équipe joue mal, ceux qui pensent qu’ils ne sont pas assez bien payés, sans oublier d’être précis sur les inimitiés qui peuvent naître entre certains joueurs…

Le délateur est souvent récompensé par une présence constante dans l’effectif en tant que joueur starter. Parfois il est désigné capitaine de sa formation dû à son travail obscur. Les Écossais à travers certains réseaux prennent le football de club anglais en main et importent leurs méthodes de management dans la plupart des clubs de la perfide Albion. Cette manière de faire a ainsi perduré jusqu’aux années quatre-vingt-dix, néanmoins elle est toujours d’actualité sous d’autres formes, plus subtile…

Cette culture de l’indicateur de vestiaire a franchi les océans rapidement. Un peu partout on trouve la trace de la taupe dans bien des pays. La Russie prise dans les convulsions de l’histoire au tout début du XX siècle s’ouvre au football en même temps que la révolution bolchevique,

le football soviétique fut naturellement habité par ce problème. Ainsi, le grand Lev Yachine a été l’objet de multiples suspicions. Outre le fait d’être le dernier rempart du club du Dynamo de Moscou, le club de la police, Yachine jouait le plus souvent pour la sélection. Cette dernière avec Yachine dans les cages a vu plus d’un joueur être éjecté sans explications. Il est évident que le système concentrationnaire soviétique ne pouvait que favoriser ce type de situation.

Brésil

On retrouve aussi le délateur sous d’autres latitudes et dans des rôles variés. Le football brésilien intègre rapidement cet apport de l’indic de vestiaire. Au pays du football, le célèbre masseur Mario Americo a toujours été suspecté d’être l’informateur au sein de la sélection. Americo était intouchable. Ses préparations médicales à base de médecine naturelle faisaient fureur sur l’ensemble des joueurs. Toutefois, Americo était aussi celui qui espionnait l’ensemble des joueurs. Le moindre écart était rapportée au sélectionneur ou au comité de selection. Certains joueurs ont fait les frais de ses fameux comptes rendus en étant exclus en douce de la sélection.

Lors d’une rencontre opposant le Brésil à l’Uruguay comptant pour la Copa America de 1959, le Brésil cherche sa vengeance. Depuis quelques années, Brasilia instrumente la finale de 1950 perdus par le Brésil face à l’Uruguay au stade de Maracaña. Le pouvoir laisse courir dans le pays que le match entre les deux sélections ne s’est pas disputé dans les meilleures conditions. Les Uruguayens ont été brutaux et avantagés par l’arbitrage. Tout cela est faux, mais le pouvoir fait pression sur les gens de la CBF et de la sélection pour obtenir cette vengeance.

Americo est désigné en tant que maître d’œuvre pour cette mission. Lors du match disputé à Buenos Aires, les auriverdes mettent le jeu de côté. Mené au score, ils ont recourt à l’intimidation physique. Les Uruguayens se rebiffent et le match sombre dans la violence. Suite à une action anodine, Americo pénètre sur le terrain et déclenche les hostilités. Americo ceinture le joueur uruguayen William Martinez qui est passé à tabac par plusieurs joueurs brésiliens, puis s’instaure une bagarre générale. L’étoile du football brésilien des années trente, Leónidas Da Silva qui officie en tant que consultant pour une radio délaisse son micro et descend sur la pelouse du stade Monumental pour participer à la castagne.

Deux joueurs refusent de se mêler à cette “vendetta”. Gilmar et Garrincha. Après un rapport soigné d’Americo mettant en exergue la volonté des deux joueurs de ne pas participer à cette histoire, Gilmar et Garrincha ne sont pas inquiétés par les gens de la CBF, du fait de leur statut dans le onze national et la popularité dont ils jouissent dans tout le pays.

Le renseignement, ça rapporte. Dans les années soixante-dix, Americo est récompensé en étant élu député de l’assemblée de l’Etat de Sao Paulo.

Tout change ou presque

Le football de l’après-Bosman a subi maintes transformations, toutes négatives. Toutefois, malgré toute la cybernétique qui participe à structurer la vie des clubs, certains réflexes restent inchangés. Il en est ainsi de la taupe dans le vestiaire…