Les cons discutent
Le couronnement de Lionel Messi en tant que champion du monde et capitaine de la sélection argentine a relancé un débat qui n’a lieu d’être !
Le burlesque ne tue plus, il est froid, méthodique, organisé, puissant, il tue dans le sens inverse désormais. L’amateur de football se doit de faire profil bas, se taire et accepter la mitraille médiatique provenant des organes de presse et des réseaux sociaux. Passons sur l’écrasante majorité des spécialistes qui vantent les mérites de Messi à tort et à travers. L’ordre marchand se dissimule derrière ces différentes postures de la presse. Les motivations des puissances d’argent de l’industrie football à déboulonner la statue de Maradona sont multiples, et nous allons essayer de comprendre ce qui est une volonté de réécrire l’histoire du football.
Maradona
Maradona est issu d’un barrio défavorisé de la capitale du pays. Enfant, il passe son temps sur les terrains vagues qui font office de terrain de jeu. D’essence péroniste sur le plan politique, Maradona devenu adulte est rapidement l’objet de l’attention du pouvoir incarné par le général Videla, qui a renversé Isabel Perón, veuve de Juan Perón. Videla dirige en partie le pays, car l’Argentine se trouve sous tutelle de divers conglomérats bancaires. David Rockefeller depuis son siège de la Chase Manhattan Bank à New York, en liaison avec son ami José Alfredo Martinez de Hoz, ministre de Videla érige les grandes lignes auquel le pays doit se tenir.
Renforcer le pouvoir de la classe possédante et de la grande bourgeoisie compradore, reconstruire la gauche marxiste tout en lui faisant endosser le rôle de victime du pouvoir dictatorial à travers le plan Condor, enfin, éliminé le justicialisme, l’extrême centre, parti du péronisme, du paysage politique pour le remplacer par la gauche reconstituée qui ne demande qu’à jouer son rôle d’opposition contrôlé.
En Argentine, la gauche du capital n’a aucune prise sur le monde productif, de l’entrepreneur à l’ouvrier, tous ancrés dans le justicialisme, elle a un besoin vital de figure pour jouer les rabatteurs et se redonner une forme de virginité. L’Argentine est une tripartie sur le plan politique, et Maradona est au centre des débats.
Videla offre Maradona à la gauche du capital. Le lutin du club d’Argentinos Juniors ne rejoint pas l’Independiente, club générique sur le plan politique et que supporte Maradona. Il est transféré à Boca Junior, club des syndicats marxistes, de l’intelligentsia socialiste et du milieu local, qualifié pompeusement de club du peuple. Dès lors, des mains apparaissent sur ses frêles épaules. Le pibe perd peu à peu son autonomie. Porté au nu, statufié, abêtit, il est assigné à résidence secondaire par les gens qui l’entourent. Si le joueur reste intact, l’homme commence sa lente agonie…
Messi
Messi voit le jour en Argentine dans la ville de Rosario. Comme presque tous les enfants, le jeune Leo pratique le football. Incorporer dans les rangs du club de Newells Old Boys, il se fait remarquer par sa technique et par sa taille. Messi est atteint de nanisme et le club de Rosario est disposé à payer le traitement du jeune adolescent, mais l’entourage du gamin est approché par un scout qui travaille pour le club de Barcelone. Les tractations commencent, les deux clans finissent par trouver un accord sur la base de 600 000 dollars et le jeune Léo s’envole avec son père pour Barcelone. Par son explosion en Espagne, Messi devient à son tour un enjeu politique, mais d’une toute autre forme. Il est le symbole de l’argentin qui a réussi à l’étranger. Messi de par sa réussite devient le réfèrent de la bourgeoisie compradore argentine.
Maradona Messi, deux destins qui différent en tous.
Le terrain
Le jeu de Messi est prévisible, mécanique, ennuyeux. Son répertoire est limité, petit sniper qui patrouille à une trentaine de mètres des buts adverses, le temps pour lui de régler sa lentille de tir et d’ajuster le gardien aux seize mètres cinquante. Simpliste en apparence, diaboliquement efficace, mais rien de créatif, de séduisant, d’envoutant. Raide comme un plot, inexpressif sur le plan corporel, froid, méthodique voir un tantinet souffreteux dans son expression générale, dos vouté, tête rivé dans le guidon, là où Maradona était créatif, autonome, libéré et jouissif. Il n’y a rien d’argentin chez Messi, là où ses prédécesseurs les plus illustres, affichait une esthétique reconnaissable.
Aimant
On demandait à Maradona, petit bonhomme en mousse, de porter le poids de tous les opprimés sur ses épaules, là où Messi se contente d’être la finalité d’une action collective. Maradona captait les foules les plus diverses. Un soir où le club de Naples se trouve en déplacement à Munich, il électrise un public venu en masse qui n’a d’yeux que pour lui lors d’un simple échauffement.
Un jour à Mexico, il défie l’Empire britannique dans un règlement de comptes suite à l’épisode des Malouines. C’est chez les sans grades de Naples qu’il fait carrière, après deux saisons difficiles à Barcelone. Maradona idole et référent des puristes, cible privilégiée des bigots bien-pensants, reste le marqueur emblématique d’un football non inféodé à la logique de la culture de la victoire. Maradona, c’était l’imprévue, l’antithèse d’un football issu des laboratoires les plus performants des grosses écuries européennes. Aucun but ressemble a un autre but chez Maradona.
Pensée
Par son parcours, Messi incarne l’accaparation et l’asservissement du football sud-américain raté avec Pelé et Maradona par le vieux continent. C’est ce paramètre qui travaille l’inconscient de nombreux journalistes de l’hexagone et tous les cybers fans acculturés.
Cette pensée putride véhicule l’idée de suprémacisme. Dans une vieille Europe du football qui n’a jamais admis être dépassé et ridiculisé par le nouveau continent dès les années vingt, la domestication et la reprogrammation de Messi adolescent pour aboutir au joueur que nous connaissons, c’est la petite revanche fantasmée des tenants d’un football européen qui se veut être dominant de par le monde. C’est la raison pour laquelle le gentil Messi est leur héros et Maradona un voyou argentin !
Le football est l’intelligence du pauvre, justement, personne n’a jamais incarné le jeu, mieux que Maradona !