Le violent

Snobé par les historiens et les instances du football britannique, Frank Barson demeure à jamais un des meilleurs joueurs du Royaume-Uni avant-guerre. Connu pour son sens de l’organisation sur le terrain que pour sa dureté dans le jeu et dans la vie. Ce natif de Grimesthorpe, une bourgade de la banlieue de Sheffield vient au jour en 1891. Issu d’un milieu ouvrier de l’époque victorienne, il devient apprenti forgeron et manie également le cuir avec ferveur. À l’école puis en club, il se fait remarquer auprès des éducateurs par son physique et sa détermination.

En 1911, le club de Barnsley l’engage au poste de milieu de terrain, ainsi commence le début de son épopée dans le football anglais. Lors de ses premières saisons, Barson acquiert rapidement la réputation d’être un excellent joueur. Ayant acquis une certaine renommée, il est transféré au club d’Aston Villa en 1919 pour la somme record de 2 850 £.

Mauvaise réputation

Si Barson est un élément de qualité sur le plan footballistique, l’homme ne laisse personne indifférent. Ses adversaires l’accusent d’être un  type qui cherche sans cesse les ennuis. Ou qu’il passe, sa réputation le suit comme son ombre. Les supporteurs adverses le sifflent en permanence. Lorsqu’il est en déplacement, il se trouve sans cesse une ou deux personnes téméraires  pour le défier à la sortie des vestiaires, ce qui nécessite souvent la présence de policiers chargés de l’escorter.

Passe droit

Après avoir parapher son contrat, il délaisse Birmingham et préfère rester à Sheffield. Cela crée des problèmes fréquents, car il sèche plusieurs entraînements. George Ramsey le manager des Villans préfère la mettre en veilleuse. Sous les couleurs d’Aston Villa, Barson remporte la Cup et reste concentré durant la finale sans recourir à ses habituelles provocations. Il joue également à cette époque son seul match pour la sélection anglaise face aux Pays de Galles au stade d’Highbury. Une rencontre qui se solde par une défaite pour lui. Dans la vie, l’homme fait preuve d’une certaine violence. Ainsi, lors de la reconduction d’un contrat, il sort un revolver, le braque avec assurance sur la tempe d’un dirigeant et le menace de vider le barillet s’il n’obtient pas ce qu’il désire !

Sheffield et les frères Fowler

La démarche bien assurée dans son costume de tweed, le ton roque, un regard noir qui glace le dos à tout interlocuteur indésirable, Frank traîne souvent dans son pub favori de Sheffield. C’est un habitué, il aime respirer l’odeur du coin et il ne s’en cache pas au point de compter parmi ses amis les frères Lawrence et Wilfred Fowler chefs du plus célèbre gang criminel de la ville.

Un soir, les frères assassine Will Plommer, un ouvrier ancien sergent dans l’armée et boxeur amateur. Plommer avait rosser un membre du gang qui avait agresser un barman.  Malgré le dégoût et l’hostilité des citoyens de Sheffield à son encontre, Frank ne renie en rien son amitié envers les frères Fowler. Il soutient publiquement ses amis qui sont condamnés et pendus.

La presse de l’époque le décrit comme un défenseur intraitable qui use à fond du facteur psychologique face à ses adversaires. Véritable tour de contrôle, il impose une certaine sécurité avec son physique à toute épreuve le tout pourvu d’une technique bien affinée.

Défenseur libéré

Dans un jeu codifié où les défenseurs restent derrière et les attaquants devant, Barson fut un des tout si ce n’est le premier arrière à transgresser tel un mutin les règles en vigueur à l’époque en se libérant de ses obligations défensives, il profite de sa condition athlétique pour couvrir toute la surface du terrain retrouvant ainsi la position qu’il occupait à ses débuts. Certains de ses adversaires qui le méprisaient reconnurent bien plus tard que Barson était un monstre de puissance physique un excellent tacticien et un bon technicien. Un joueur brillant à tous les niveaux.

Old-Trafford

Barson quitte Aston Villa en 1922, certains de ses coéquipiers ne supportent plus ses écarts et son régime de faveur. Sans amertume, il met le cap vers Manchester. Les dirigeants du club d’United l’accueillent les bras ouverts en réglant la somme de 5 000 £ à Aston Villa. Sa mission est de faire remonter les Red Devils en première division. D’emblée, Barson prend les choses en main, néanmoins, il faut plusieurs saisons pour qu’United accède de nouveau à l’élite. Alors qu’il remporte le championnat de deuxième division en 1928, Barson ne reste pas à Old-Trafford et demeure imperturbable malgré le don d’un pub venant du board mancunien.

Entraîneur et l’anonymat

En quête d’aventures, il pose ses valises à Watford, il limoge deux joueurs et fait régner la terreur. À peine une saison écoulée et le club d’Hartlepool, l’accueille. Barson bourlingue jusqu’aux années cinquante en se faisant discret. L’homme évolue plus ou moins en vieillissant, mais bien qu’il fut un acteur hors-norme du football anglais, les instances font le nécessaire pour l’oublier à l’exception des fans de Villa qui l’ont inclus dans le top dix des plus grands joueurs de l’histoire du club.

Ultime tour du destin au crépuscule de sa vie, il meurt à Birmingham en 1968, cette ville qu’il avait décidé de rejeter cinquante ans plus tôt alors qu’il jouait pour Villa, un temps où  l’amitié et les mauvaises fréquentations étaient bien plus primordiales pour lui.

Le chemin de vie de Frank Barson ressemble à bien d’autres histoires de son époque. Elle tord le cou aux médias et leurs cohortes de lecteurs vindicatifs et ignorants qui passent leur temps à recenser les frasques des joueurs censés ne rien respecter de nos jours. Argent, violence, désobéissance, indépendance, tout accable Frank Barson joueur émérite de son temps, mais Barson tout comme ses contemporains se démarque sur bien des points par rapport aux vedettes actuelles. Barson n’a rien renié de ses penchants et ne s’est jamais excusé pour ses actes et ses prises de position. Autres mœurs, autre époque…