Le créatif
Grand par la taille, un brin filiforme, cheveux longs, la barbe de trois jours, lunettes rondes de soleil sur le nez arborant le plus souvent un tee-shirt à l’effigie de Jimmy Hendrix ou de Led Zep le tout en jeans et basket, Gordon Murray ingénieur en chef du team Brabham F1, à laisser une trace indélébile dans l’histoire de la F1, autant par son style que par ses réalisations.
Arrivé en Grande-Bretagne en 1969 de son Afrique du Sud natale, Gordon Murray, jeune ingénieur qui anime un Lotus club finit par être engagé chez Lotus au département voiture de tourisme. Il ne reste pas longtemps à cette place, car c’est durant cette période que le marché de l’automobile de luxe s’effondre. Murray quitte Lotus et rejoint Ron Tauranac directeur de Brabham et de ce fait, le Sud-Africain fait ces premiers pas dans le monde de la Formule 1 …
Rapidement, le jeune Murray fait ses classes au sein du team Brabham et reste quand celui-ci est racheté par un jeune entrepreneur-manager Bernie Ecclestone. Le modèle BT 42 est la première voiture conçue par Murray, néanmoins si le résultat est moyen, il produit avec la BT 44 une première réussite. Son châssis de type pyramidal en fait une excellente monoplace et permet à Carlos Reuteman de gagner trois Grand-Prix.
Au milieu des années soixante-dix alors que le V8 Cosworth est dominant, Ecclestone l’abandonne et signe avec Alfa Romeo. Le V12 à plat de la firme milanaise procure d’énormes ennuis à Murray. L’ingénieur bute sans cesse sur des problèmes d’équilibrage, pourtant il réalise une lignée de voitures intéressantes. Cependant, malgré cette frustration, il réalise un coup de maître.
Alors que Lotus écrase la concurrence grâce à la révolution de l’effet de sol, Murray contourne le règlement et dote la BT46 d’un gros ventilateur à l’arrière. La voiture aspirateur est née. Murray informe les commissaires que ce ventilateur a pour but de refroidir le V12 italien qui surchauffe énormément. L’air récupéré par le ventilateur produit un effet de succion et plaque la voiture au sol et engendre des passages en courbe très rapides. Au Grand Prix de Suède avec au volant Niki Lauda qui a rejoint l’équipe Brabham, l’Autrichien humilie la concurrence, mais suite à cette victoire les instances de la CSI déclare cette voiture trop dangereuse. C’est une grande déception pour l’ingénieur sud-africain…
L’année suivante, Brabham récupère le V8 Cosworth et très vite Murray laisse son esprit fertile faire feu de tout bois. Ayant désormais comme pilote de pointe Nelson Piquet, il réalise la BT 49. Le couple Murray-Piquet rate de peu le titre mondial, mais l’année suivante est la bonne. Murray met au point une suspension hydropneumatique qui permet à la monoplace de s’abaisser de 6 cm durant la course. À l’arrivée les mini-jupes touchent le sol et reproduisent l’effet de sol dont le concept a été interdit quelque mois auparavant par les instances de la FISA.
Sur cette lancée Murray réalise un nouveau chef-d’œuvre avec la BT 51, la voiture arborant une forme en flèche et remporte de nouveau le titre avec Piquet, après avoir instauré les ravitaillements en Formule 1.
Plus tard, les monoplaces deviennent un peu moins compétitives à cause des pneus Pirelli qui ne sont pas au niveau excepté au Grand Prix de France ou Piquet signe une ultime victoire pour le team Brabham.
En 1986, l’esprit toujours fécond, Murray lance le concept de la F1 extra-plate, le modèle BT55, un nouveau chef-d’œuvre. Cette fois, les choses ne se présentent pas bien, car Murray se trouve en délicatesse avec les quatre cylindres turbo de BMW. Sa position couchée occasionne beaucoup de problèmes à l’ensemble de la monoplace. Les pilotes Elio de Angelis et Ricardo Patrese ne peuvent pas faire grand-chose. Plus tard le pire arrive lors d’une séance d’essai privé au Castelet, De Angelis perd la vie à cause de son aileron arrière qui se décroche du sans doute à la trop grande charge aérodynamique qu’il supportait.
Pour l’ingénieur sud-africain, le choc est énorme, car outre l’affection qu’il possède envers l’Italien venu de Lotus c’est la première fois qu’un pilote décède dans une voiture qu’il a dessinée…
Face à cette situation, Murray se retire après avoir fini la BT 56, le modèle de la saison suivante qui est une simple évolution de la BT 55. Un an plus tard, il cède à la proposition de Ron Dennis. Sur ces ordres les ingénieurs de McLaren dessinent une monoplace la MP 4/4 qui est une copie de la Brabham BT56, l’avantage est que le V6 Honda permet cette reproduction et d’en faire une monoplace compétitive. En cette année 1988, Senna et Prost sont imbattables et ils remportent quinze courses sur seize !
Après cette revanche, Murray se tourne vers d’autres concepts et réalise le programme GT de McLaren avec beaucoup de succès, dont une victoire au Mans, un département qu’il dirige toujours pour l’instant .Il a récemment collaboré de manière active au développement de la Mercedes SLR. Aujourd’hui Gordon Murray âgé de soixante ans et qui n’a guère changé n’envisage pas de revenir à la Formule 1 après l’avoir quitté il y a vingt-ans. Les règlements sont trop restrictifs et contraignants pour un créatif comme lui…