La question du plus important
Vers la fin de son existence, bien que sollicité à plusieurs reprises par des journalistes, Santiago Bernabéu se refusa à dire qui était pour lui le plus grand joueur de l’histoire du Madrid. En fait, le vieux président du club blanc hésitait entre deux joueurs. Le Français René Petit, il joue avec lui durant l’année 1916, et Alfredo Di Stefano, pensionnaire du Madrid entre 1952 et 1964. Di Stefano est connu du grand public et des plus jeunes, mais René Petit est loin d’être une référence excepté pour les vrais madridistes et les connaisseurs du football ibérique.
On peut donner quitus à Santiago Bernabéu, suite à son long parcours dans le monde du football espagnol et international, l’homme possédait une expertise en matière de terrain et de joueur à nul autre pareil. À travers ce sujet nous allons comprendre pourquoi Santiago Bernabéu considérait que ses deux joueurs étaient au-dessus du reste au sein de la maison blanche.
Évolution
Certains pensent que le jugement de Bernabéu est erroné puisque l’ancien président du Madrid est décédé en 1978 et depuis cette date de nouveaux grands joueurs ont porté les couleurs du Madrid. Réglons d’emblée cette question, pour Bernabéu la grandeur d’un joueur se mesurait à ce qu’il apporte de nouveau en matière de jeu. Il ne s’agit pas de remettre en question le talent de tous les joueurs qui ont défilé du côté du stade Bernabéu depuis une trentaine d’années, mais aucun n’à apporter une nouveauté au jeu et encore moins au style de jeu du Madrid. René Petit et Alfredo di Stefano furent les deux seuls joueurs du club qui aurait pu se targuer après leur expérience dans la capitale du pays d’affirmer “ je leur ai appris comment on joue au football, rien d’autre “ c’est à cela que pensait Bernabéu au sujet de ses deux joueurs.
René Petit
René Petit français de père et espagnol par sa mère arrive dans la capitale ibérique à l’âge de douze ans. Son père ingénieur travaille pour la compagnie ferroviaire du nord du pays. Le jeune René intègre les équipes du jeune du Madrid FC avec son frère cadet. Pour l’ensemble des personnes qui fréquente le club, Petit est une curiosité. L’adolescent franco-espagnol est doté d’une très bonne technique et d’une condition athlétique rare pour l’époque.
Petit débute en équipe première en 1916 au côté d’un certain Santiago Bernabéu. Celui qui n’est pas encore directeur technique entraineur et président du Madrid est fasciné par le style de Petit. Le basque réalise des choses inouïes balle au pied. Lors de la finale de Coupe 1916 qui oppose le Madrid au club de Getxo, Petit récupère la balle, dribble la presque totalité des joueurs adverses et marque le but égalisateur. L’année suivante, René Petit rejoint le club du Real Unión d’Irún tout en poursuivant des études d’ingénieur. Durant les années vingt, il remporte à trois reprises la Coupe nationale, car le championnat national n’existe pas en Espagne à cette époque. Petit se retire des terrains en 1934.Il entame une carrière d’ingénieur, auteur de grand ouvrage, il décède en 1989.
Petit était un joueur en avance sur son temps, il fut un modèle pour la plupart des joueurs et éducateurs de son époque. Il a transfiguré la vision des Espagnols sur le football alors sous tutelles des techniciens anglais. Il est encore de nos jours pour les authentiques madridistes un joueur hors catégorie.
Alfredo Di Stefano
C’est durant l’année 1952 que l’Argentin Alfredo di Stefano débarque à Madrid. La citadelle du crétinisme avance encore de nos jours que Di Stefano aurait été dérobé par le club du Madrid avec l’appui du gouvernement au club du FC Barcelone.
Il y a bien eu une réunion dans un hôtel de la capitale entre les différents protagonistes suite à l’imbroglio au sujet du transfert du joueur argentin et de la décision rendue par la fédération espagnole qui envoyait Di Stefano joué deux années dans chaque club. Ce n’est pas des pressions exercé sur le président du club catalan, Enric Martí Carreto qui fait partir l’Argentin du côté de Chamartin. Le problème est que di Stefano voulait jouer au Real Madrid, et ce pour deux raisons que les anti-Madrid et Bernabéu préfèrent ignorer.
Dans l’Espagne de cette époque, un joueur sud-américain était peu ou pas considéré le tout avec un arrière-goût de racisme. Bernabéu brise cet état d’esprit qui règne dans une société mortifère au niveau de ses élites. Le Real Madrid accueille bon nombre de joueurs sud-américains durant sa présidence, Bernabéu ne voyait pas dans ses hommes des étrangers peu respectables, mais des lointains cousins, dont les grands parents, avaient émigré à la recherche d’une vie meilleure sur le nouveau continent. Cette marque de respect sur laquelle Di Stefano ne s’est jamais épanché par pudeur et la promesse tenue par Bernabéu d’être enfin le leader d’une équipe ce que l’Argentin n’avait jamais réussi à être en club et en sélection l’a fait basculer du côté de la casa Bianca.
Liberté d’un côté, contrition de l’autre
Après s’être développé un peu partout sur le vieux continent, le jeu se fige. Le football européen ne produit pas grand-chose, au sortir de la guerre, il n’existe que peu de joueurs de référence, la cause à un football fermé ou le joueur est infantilisé. A cette époque, les cinquante meilleurs joueurs au monde sont sud-américains, un fait que les euro-centrés en matière de football préfèrent là aussi ignorer de nos jours.
Di Stefano apporte son savoir-faire et son expertise au football espagnol. Lors d’une tournée en Europe, le club de l’Independiente exécute le Madrid sur la marque de six buts à zéro dans son fief de Chamartin. Bernabéu est persuadé qu’il a fait le bon choix en enrôlant la vedette des Millonarios de Bogota. Sous le maillot du Madrid, Di Stefano écrit l’histoire, mais pour Bernabéu, l’Argentin aura surtout contribué à faire sortir le football espagnol d’une léthargie académique qui n’avait que trop duré.
Conclusion
Aucun autre joueur n’a apporté ce que René Petit et Alfredo Di Stefano ont transmis au Real Madrid à leurs équipiers et au football espagnol tout entier, l’excellence et la nouveauté. Le vieux singe en hiver était dans le vrai, le temps lui a donné raison…