Juan Vilá Reyes, l’homme qui aimait les stars
1969, Barcelone. Juan Vilá Reyes, entrepreneur et président du club de l’Espanyol de Barcelone est arrêté par des officiers de la guardia civile. Reyes est accusé par la justice de son pays de fraude massive.
L’entrepreneur catalan se retrouve mêlé à une affaire de détournement de fonds publics. Quelques mois plus tard, Reyes est condamné et emprisonné suite au scandale de la Matesa. Il a été reproché à Reyes d’avoir faussé la comptabilité de la Matesa, d’avoir détourné de l’argent public devant aidée les exportations à l’étranger. Sur 1500 machines produites par la Matesa à destination de l’Argentine, 120 sont arrivées à bon port. Dans cette vaste opération de détournement, la justice découvre que Reyes est associé avec des politiques qui gravitent dans le giron du pouvoir. On trouve les ministres Mariano Navarro Rubio, Faustino García Moncó et Juan José Espinosa San Martín, tous membres de l’Opus Dei.
Juan Vilá Reyes né en 1925 à Barcelone est un homme d’affaire issue d’une famille bourgeoise catalane positionnée à droite et républicaine. Son père est entrepreneur dans le textile. Durant la guerre civile, la famille fuit la terreur rouge bien plus que les forces nationalistes. Elle se réfugie en France. Une fois les hostilités finies, la famille rentre au pays et reprend ses activités dans le textile. Diplômé d’une école d’ingénierie en 1945, Reyes fonde sa propre société de textile, Iwer. Il se spécialise dans la fabrication de procédés techniques dont il en ressort des brevets. En 1956, Reyes fonde la Matesa. Une nouvelle société basée à Pampelune. Rapidement, la Matesa prospère au point de pouvoir exporter sa production aux quatre coins du Monde.
Reyes est un passionné de football et supporteur du club de l’Espanyol, ce qui n’a rien d’étrange, même pour un bourgeois catalan et libéral. Reyes intègre la junte du club catalan vers la fin des années cinquante. Il devient un membre influent et déterminant dans certaines opérations en matière de transfert. Vice-président du club, il finalise durant l’été 1963, le recrutement de Ladislas Kubala que les dirigeants du FC Barcelone jugent trop âgé. Kubala considère qu’il peut jouer encore deux années en position de défenseur axial dans une position avancée. Douze mois plus tard, Kubala devient entraîneur-joueur des Pericos.
Reyes finalise les moindres détails du transfert de la vedette magyare naturalisée espagnole et n’en reste pas à ce coup d’éclat. Un an plus tard, Reyes s’entretient avec Santiago Bernabéu et saute sur l’occasion de faire signer Alfredo Di Stefano en disgrâce au Real Madrid. Reyes est un séducteur, il possède une dialectique suffisante pour faire flancher l’Hispano-Argentin qui souhaite encore jouer malgré ses trente-sept printemps.
Reyes est l’homme qui réussit à associer les deux géants du football espagnol des années cinquante. Kubala et Di Stefano n’ont plus l’âge pour se marcher dessus. Chacun est confiné à une zone de jeu spécifique et Kubala joue peu. En 1967, Reyes devient président du Royal Deportivo Espanyol de Barcelone en bénéficiant de l’appui des réseaux de Juan Antonio Samaranch. Reyes a aussi persuadé des joueurs de renom de la Liga, Cayetano Re, Marcial et José Maria de rejoindre le stade de Sarrià, mais sa gestion du club de l’Espanyol est pointée du doigt par la junte du club catalan. En fonction du scandale de la Matesa, Reyes se voit contraint de démissionner de son poste de président et malgré un effectif de qualité, l’Espanyol descend en deuxième division..
L’affaire Matesa met à jour ce que l’espagnol de la rue sait depuis longtemps. Une guerre entre les clans de la matrice franquiste. Les carlistes et cédistes affichent une forme de mécontentement, quant aux phalangistes des chemises vieilles, ils se déchaînent à travers le peu de médias sur lesquelles, ils exercent un brin d’influence. Ils dénoncent un pouvoir aux mains des technocrates et des libéraux cléricaux.
Vilá Reyes est condamné à trois ans de prison et bénéficie d’une grâce du Palais du Pardo. Il effectue le quart de sa peine. Reyes doit cette faveur à un ami proche du Généralissime, Laureano López Rodó, homme politique, juriste, universitaire, diplomate espagnol et ministre du gouvernement au tout début des années soixante-dix et à l’activité de l’incontournable Luis Carrero Blanco, Amiral, ministre et homme de confiance du Caudillo. Les ministres Navarro Rubio, García Moncó et Espinosa San Martín, sont disculpés. Quatre années plus tard, suite à l’intronisation de Juan Carlos en tant que monarque du Royaume d’Espagne, Reyes est définitivement gracié.
Il existe bien des zones d’ombre dans le scandale de la Matesa. Comment cette affaire rondement ficelée a-t-elle été découverte ?
Pour les spécialistes de la question, il s’agirait d’une opération montée par des membres des chemises vieilles – phalange authentique – pour atteindre des notables et technocrates appartenant à la phalange traditionnelle qui gouverne le pays.
Quel était le but de Reyes ? Financer des proches et des ministres membres de l’Opus Dei et garder le reste ? Peut-être. On est aussi en droit de penser qu’une partie de cet argent aurait pu servir à maquiller les comptes du club de l’Espanyol. Vilá Reyes n’a jamais été bavard sur le sujet.
Peu après, Juan Vilá Reyes reprit ses affaires, mais il s’est bien gardé de s’impliquer directement dans les affaires du football et du Real Club Deportivo Español.