Joueur Hybride
Mondial 82, Stade de Sarrià de Barcelone, dans le cadre du second tour du tournoi, le Brésil affronte l’Italie. À l’entame de la deuxième mi-temps, la squadra azura, mène au score, les auriverdes sont éliminés. Vers l’heure de jeu, le latéral gauche Junior déboule sur son aile, il repique au centre et lance en profondeur Roberto Falcão. Le gaucho fixe la défense transalpine, puis exécute un crochet et ajuste Dino Zoff, le gardien transalpin aux vingt-mètres. Ce but de l’espoir ne sera pas suffisant au Brésil pour se qualifier pour les demi-finales, quant à Falcão, il vient d’écrire le chapitre ultime du joueur hybride “volante” en sélection.
Volante
Au Brésil, pays du futebol, on doit le terme de volante à un joueur argentin du club de Flamengo, Carlos Volante. Ce dernier qui évolue au poste de défenseur axial ne se contente pas de défendre. Il sort de sa zone de confort pour participer aux phases offensives de son équipe. Volante à importer d’Argentine cette manière de jouer. Rapidement, les coaches du pays donne un peu plus de volume à leurs défenseurs centraux. Le fait de jouer avec trois éléments en position défensive, oblige le défenseur axial à couvrir énormément de terrain. Durant les années de guerre, l’évolution tactique modifie la position des joueurs sur le terrain. Le volante monte d’un cran, le demi-défensif apparaît dans la plupart des équipes du pays.
Evolution
En 1946, Danilo Alvim est recruté par le club du Vasco de Gama. Danilo au sein d’une formation qui ne manque pas de vedette trouve sa place et sous le commandement de son entraineur Flavio Costa. Dans un 4-2-4 taillé sur mesure, Danilo devient un atout de première importance. Défenseur, relayeur et parfois créateur et buteur, il dessine les contours du joueur hybride qui est bien plus qu’un simple volante, un demi-défensif qui sort de sa boite pour apporter un soutien à ses attaquants.
Volante
Danilo est bien seul dans son domaine. Le rôle du demi-défensif n’évolue guère durant les années d’après-guerre. Alors que Danilo raccroche les crampons, survient son successeur en la personne de Zito. C’est Luiz Alfonso Perez à la tête du club de Santos qui déniche ce jeune joueur de dix-sept ans au club de Portuguesa.
D’emblée, il se différencie par rapport à ses condisciples. Il participe activement à l’élaboration du jeu de son équipe et apporte le soutien nécessaire aux attaquants et oriente le jeu à tout moment. Zito est un joueur complet. Excellent de la tête, il monte sur l’ensemble des coups de pied arrêtés et marque. En phase défensive, il apporte sa présence à ses partenaires de jeu. Positionné en premier rideau, sa tâche consiste à perturber l’équipe adverse. Avec Zito, le volante devient un joueur hybride, tel que Danilo l’avait imaginé des années auparavant.
Le joueur hybride permet par son activité de faire le lien nécessaire entre le football pauliste et carioca. Bien après Zito, d’autres joueurs, endossent le rôle de volante, C’est le successeur de Zito à Santos, Clodoaldo qui impose son savoir-faire au football brésilien et lors du mondial disputé au Mexique.
Finalité
Peu après, surgit un nouveau joueur. Gaucho du club de l’internacional de Porto Alegre, il rayonne au sein de la formation colorado qui s’installe au sommet du football brésilien. Paradoxalement, le rôle du joueur hybride est discuté par la communauté des entraîneurs marqués par différents courants de pensé. Roberto Falcão, est un joueur complet dans tous les domaines, il diffère de ses prédécesseurs par son sens inné pour le but, notamment. Falcão est la personnification du volante, le joueur hybride arrivé au stade final de son développement.
Dans le football européen, le demi-défensif fut et reste un joueur besogneux, rompu aux tâches les plus ardus. Dans le football brésilien, les meilleurs étaient le cœur du système. Avec la mutation globale qu’entreprend le football brésilien dans les années quatre-vingt, le volante devient un joueur désuet. Les techniciens et formateurs en fonction des aspirations des clubs européens et de la seleção éliminent en douceur ce type de joueur peu répandu. Le volante reste un demi-défensif qui se contente d’apporter un soutien à ses équipiers en phase offensive.
Néanmoins, l’histoire est têtue, car si la sélection auriverde se passe aujourd’hui de l’apport du joueur hybride, au point d’être champion du monde, c’est avec ce type de joueur que le Brésil a écrit le meilleur de sa grande histoire. Le Brésil est orphelin de ses grands dribbleurs, de ses grands numéros dix, il est orphelin aussi de ses fameux volante…
Photo : Danilo, la cinquantaine passé se remémore la finale Brésil-Uruguay au stade de Maracanã