Icône des sixties

Quand on égrène l’histoire du sport automobile, le nom de Jim Clark revient invariablement, car ce jeune écossais a laissé une trace indélébile dans l’odyssée des sports mécaniques, et ce, malgré une carrière courte.

Jim Clark est né en mars 1936 à Kilmany en Écosse. Fils de fermier, il s’évertue durant son adolescence à conduire le tracteur de son père. À ses dix-huit ans, il accompagne des amis, dont Ian Scott-Watson qui l’aide à participer à des rallyes tous les week-ends. Clark s’engage aussi dans épreuves de voiture de tourisme en circuit fermé. C’est lors d’une de ses joutes qu’il rencontre Colin Chapman créateur de la marque Lotus. Impressionné par le talent du jeune Écossais, Chapman lui propose d’intégrer les équipes de jeunes du Team Lotus. Clark accepte et débute sous les couleurs de Lotus dans les courses d’endurance. Un peu plus tard, il s’aligne en Formule junior et Formule 2. Au milieu de la saison 1960, malgré le peu d’expérience qu’il possède en formule monoplace, Chapman l’incorpore dans l’écurie de Formule 1. C’est une occasion pour Clark de faire des kilomètres avec une F1. En 1962, Clark remporte son premier Grand Prix de F1.

C’est durant cette année 1962 que le jeune Écossais réalise un premier fait d’armes qui va contribuer à construire sa mystique. Clark s’aligne en catégorie sport aux 1000 kilomètres du Nürburgring. Il dispose d’une Lotus 23, le modèle réaliser pour participer aux épreuves d’endurance.

C’est une voiture légère et compacte comme les aime Colin Chapman. Néanmoins, elle souffre d’un manque cruel de puissance dû à un moteur de petite cylindrée. Ferrari et Porsche favorites de la course sont aux avant-postes. Les imbattables Phil Hill et Olivier Gendebien sont au volant de leur Ferrari Dino 246 SP. Porsche est officiellement présent avec deux 718 piloté par les duos Dan Gurney et Jo Bonnier et Graham Hill et Hans Hermann.

Jim Clark dans sa Lotus T23 au 1000 kilomètres du Nürburgring en 1962

Durant les essais, les pilotes de Ferrari signent la pole devant les Porsche. Jim Clark réalise un temps superbe. Il installe sa Lotus à la sixième place. Clark est associé à son coéquipier en Formule 1, Trevor Taylor.

Clark prend un départ canon sur le mouillé. Après un tour, le champion écossais colle 27 secondes à ses poursuivants. Au deuxième tour, il accentue son avance. Les gens de Ferrari et Porsche qui avaient esquissé des sourires en voyant l’écossais au volant de sa petite breloque lors des essais ne rigolent plus. Après onze touts, Clark est contraint à l’abandon sur une sortie de route étourdi par les gaz d’un collecteur d’échappement défectueux de sa voiture. Quelques semaines plus tard, la Lotus 23 est déclarée illégale par les commissaires techniques durant les essais des 24 heures du Mans. La voiture était conforme aux règlements, mais les responsables du Mans finirent par céder aux chantages des grands constructeurs, dont Ferrari. « Si vous déclarez cette voiture conforme aux règlements, alors nous partons ! »

Ulcéré par le manque de sportivité de ses adversaires, Colin Chapman prit acte de la décision des commissaires techniques du Mans et ne remit plus jamais les pieds de sa vie au Mans. Jim Clark en fit de même. La démonstration irréelle bien que courte effectuer sur le toboggan du Nürburgring au volant de sa petite Lotus fut interpréter par les gens de la profession comme un signe annonciateur concernant le talent du jeune pilote Écossais.

Symbole d’une époque

Jim Clark résumait son époque. Insouciant, léger, blagueur, professionnel, élégant. Si Jim Clark incarnait aussi la réussite sociale du sportif de haut niveau, il continuait à diriger la ferme familiale aux côtés de son père. Clark ne plaisantait jamais sur sa condition de fermier. Il en était fier tout autant du fait d’être Écossais.

Le style de conduite de Clark était coulé, rapide gracieux, propre. Il excellait dans des monoplaces qui ne se prêtaient guère à ce genre de pilotage. Il était tellement proche de la perfection qu’il en oubliait de gérer les difficultés mécaniques sur ses voitures. Il n’a jamais été aisé pour les plus grands pilotes de sauter d’une discipline à une autre. L’histoire du sport automobile est remplie de champions qui ont atteint une certaine plénitude dans leur discipline de prédilection, mais n’ont jamais été brillants en voulant faire le saut dans d’autres disciplines. Clark la fait.

Le fermier

Jim Clark possédait cette qualité de pouvoir s’adapter en un laps de temps inouï aux différentes catégories que l’on trouve dans le sport automobile. Clark aimait les défis, peu importe la difficulté. Durant sa courte carrière de coureur, le champion écossais s’est aligné dans toutes les disciplines du sport automobile à l’exception de la montagne.

En fonction de sa fidélité absolue au team Lotus et à son fondateur et patron, Colin Chapman – le grand frère – Clark n’a pas toujours été heureux sur le plan du matériel mis à sa disposition.

L’écossais obtient ses premières victoires et son premier titre de champion du monde sur la révolutionnaire Lotus T25. Cependant, il ne profite pas longtemps de cet avantage. Les monoplaces vertes à bande jaune sont  rattrapées par la concurrence. C’est à partir de la saison 1965 qu’il démontre tout son talent. La T33 alignée lors de cette saison n’est pas aussi compétitive que les BRM et les Ferrari, mais Clark déroule et l’emporte aisément. Il en est de même dans les autres disciplines. À Indianapolis, ses adversaires avaient copié la technologie Lotus et disposaient de voitures analogues à la sienne. Peu importe, l’écossais volant l’emporte.

Vers le milieu de la saison 1967, Clark hérite du modèle 49 qui se relève être la meilleure formule 1 du plateau, mais handicaper par un manque de fiabilité récurent, le V8 Cosworth manque de mise au point, il rate d’un cheveu le titre cette année-là.

Selon ses proches, l’Écossais comptait mettre un terme à sa carrière en Formule 1 à la fin de la saison 1969. Deux ans auparavant, Jim Clark s’était exilé aux Bermudes pour des raisons fiscales, il préparait l’après dont la gérance de la ferme familiale. La disparition de Clark marqua la fin d’une période. Celle de l’insouciance, même si l’argent était présent dans le sport automobile.

Loin de la foule et des caméras, Jim Clark est mort en solitaire dans la forêt d’Hockenheim, emportant son époque avec lui. Quelques jours plus tard, commence mai 68…