Giacinto Facchetti, une question de style
1961. Après quelques mois à la barre du club lombard de l’Inter de Milan, l’entraîneur Helenio Herrera enrôlé à prix d’or par le président Massimo Moratti décide de tout changer dans son équipe. Herrera n’a pas mis longtemps à assimiler le football italien et sa culture d’entreprise dont il aura tendance à en extirper le pire par moment. Herrera sous les conseils de spécialistes du football transalpin dont Gianni Brera, la plus grande plume du Calcio, laisse tomber son schéma basé sur l’offensive, mais Herrera n’opte pas pour un système défensif appeler catenaccio déjà en vigueur en Italie, il prend son équipe, la positionne sur une table et inverse le tout ! En un mouvement, Herrera transfère la force productive de sa formation en défense. Il n’y a jamais eu de révolution dans le football, il faut apprendre à parler d’innovation, et cette nouvelle disposition créer par le coach franco-argentin en est une.
Dès son arrivée au club Herrera s’active rapidement à trouver des joueurs. Le président Moratti fait marcher le chéquier, plusieurs jeunes éléments sont recrutés, peu arrivent en équipe première, parmi les heureux élus se trouve un jeune joueur prometteur du club de Trevigliese, Giacinto Facchetti. Herrera est impressionné par ce grand gaillard au visage émacié qui a hésité entre l’athlétisme et le football. Il évolue au poste d’attaquant. Puissant, rapide, une bonne technique vu son gabarit et un excellent jeu de tête. Herrera étonne son entourage quand il décide de replacer le jeune Facchetti en défense au poste de latéral gauche.
À cette époque, les latéraux participent déjà au jeu, en Angleterre et en Amsud notamment, mais il reste confiné dans un rôle de soutien, Herrera veut que son latéral puisse aller beaucoup plus loin, il veut un joueur qui participe aux contre-attaques, soit capable de créer et le plus important, qu’il marque. Facchetti comme l’ensemble de l’effectif pense que son entraîneur est fou, mais peu à peu le grand Giacinto se fond à merveille dans son nouveau rôle de latéral gauche libéré.
Facchetti devient peu à peu l’élément clé dans le dispositif de la formation d’Helenio Herrera. Bon défenseur, joueur discipliné, vif, il est souvent à la source des contre-attaques, omniprésent sur les corners dus à son jeu de tête, il ne manque pas l’occasion de tirer des penaltys. Herrera a créé un latéral qui sait tout faire, et donne au jeu de nouvelles possibilités dans les phases offensives. Facchetti inscrit dix buts lors de l’exercice de 1965-66, du jamais vu dans le championnat d’Italie et sur le continent. Il est classé deuxième à l’élection du Ballon d’Or, battu par Eusebio.
Capitaine victorieux de l’Euro-68
Le départ d’Herrera en 1968 du club permet à Facchetti de s’émanciper de la tutelle de son mentor. Il continue à évoluer et prend l’axe central quand ça devient nécessaire. Il devient tout naturellement un cadre inamovible de la squadra azura et hérite du brassard de capitaine, il guide ses camarades à la victoire finale de l’Euro 68 à domicile. Après ce nouveau triomphe, le beau Giacinto fait le point, il a tout gagné sauf la Coupe du Monde. Deux ans plus tard, il guide encore la sélection nationale et se propulse en finale. Cette fois, Facchetti mord la poussière face à un Brésil hors de portée…
Par la suite il délaisse les avant-postes, l’Inter n’a plus la force de projection qui en faisait une équipe redoutable, le titre obtenu en 1971 est le dernier soubresaut d’une équipe rattraper par la vieillesse. Peu après, l’inter opte pour un système de jeu plus traditionnel et adopte le sacro-saint catenaccio pratiqué par toutes les formations transalpines, l’Inter en fait les frais en finale de la C1 de 1972 face à l’Ajax d’Amsterdam.
Facchetti glisse en douceur vers la fin de sa carrière de joueur. Après dix-huit années sous le maillot de l’Inter, le grand Giacinto joue son ultime match face à Foggia en 1978, laissant un ratio de 634/75. Alors qu’il est présent sur la liste de Bearzot pour le mondial argentin, Facchetti décline la sélection, il ne sent pas au niveau en raison de problème musculaire de jouer le mondial, Bearzot le convainc de faire partie du groupe en tant que capitaine non-joueur. Facchetti s’envole pour l’Argentine et manque la finale de Coupe d’Italie, l’Inter dispose du Napoli sur la marque de deux buts à un. Durant cet été, Facchetti renonce définitivement aux terrains après avoir été tenté de continuer à jouer.
Quelques mois plus tard, Facchetti accepte l’offre d’Achille Bortolotti, président du club de l’Atalanta. Il devient vice-président du club, mais il ne reste pas longtemps à Bergame. Il décline l’offre d’Helenio Herrera de rejoindre le Barca en tant que directeur technique.
Ernesto Pellegrini, tout nouveau président du club milanais l’invite à intégrer le staff technique du club. Facchetti devient l’adjoint de Trapattoni et l’accompagnateur de la formation lombarde durant des années. Membre du conseil d’administration du club nerazzuro, il est intronisé en tant que dix-neuvième président de l’histoire du club par Massimo Moratti. Quelque temps plus tard, l’affaire du Calciopoli éclate. Facchetti malade décède le 4 septembre 2006 à l’âge de 64 ans. Les hommages se multiplient dans le pays. Le jour de ses funérailles, tout le monde du football est présent ainsi que 15000 personnes qui restent en dehors de l’église pour rendre un ultime hommage au “seigneur de l’Inter”.