Gentrification des tribunes

Old Trafford innove 

1962, le board du club de Manchester United entérine le projet de construction d’une nouvelle tribune en lieu et place de la North Stand, la tribune latérale qui fait face à la tribune d’honneur. Le club de Liverpool réalise une opération similaire avec le remplacement de la tribune de Kemlyn Road doté de 6 700 places assises et couvertes.  Cette décision fait suite à un constat. Les clubs européens font des efforts pour améliorer leurs enceintes avec une meilleure accessibilité pour le public et une recherche accrue d’un certain confort. Celle d’Old Trafford est bien entretenue, mais souffre d’un déficit en matière d’accueil. La nouvelle North Sand se décompose en trois parties distinctes. La première section proche de la pelouse reste à l’état de terrace. Elle est constituée de place debout en totalité. La seconde section est composée de place assise et l’ultime section se distingue par l’ajout de box loué pour un coût annuel de 450£ aux entreprises du coin.

Représentation sociale

La North Stand présente certaines caractéristiques qui en fond un cas d’école. La tribune semble refléter une représentation sociale de la société anglaise, plus on grimpe, plus le prix du billet de match est élevé, mais Manchester United est un club populaire et entend le rester. Avec le recul du temps on constate que la North Stand était un compromis avec pour seul but d’offrir à toutes les classes sociales un espace aménagé pour chacune d’elle en apparence, car la sociologie du public qui occupait les terraces et les places assises était socialement pluriel.

Il n’y a jamais eu d’étude sérieuse sur le sujet. Prenons le cas d’un club tel que Manchester United. Il est impossible de savoir qu’elle était la partie de spectateur en termes de pourcentage qui appartenait aux différentes classes sociales. Il est certain que le public provenant de la working class se déplaçait en masse aux stades avant-guerre, mais une légère décru apparaît durant les années d’après-guerre, les classes populaires découvrent d’autres sources de divertissement, un rééquilibrage s’opère dans les tribunes ce qui aboutit à ses transformations graduelles qui interviennent dès les années soixante.

Terraces entre mythologie et réalité

C’est une erreur de penser que seule la working class possède une culture en matière de football. Un acquis né dans les terraces dont serait dénuées les classes aisées voir supérieure, car on pouvait être fonctionnaire, ouvrier, chef d’entreprise, bookmaker, intellectuel, étudiant et côtoyer les terraces. Les places populaires ont toujours été prisées des amateurs de football. Facilité de se déplacer, une convivialité plus grande qui permettait d’échanger plus facilement entre amis et la proximité avec le terrain et les joueurs. Le hooliganisme instrumentalisé par les cercles libéraux à sonner le glas des terraces et à disloquer un public populaire, amateur de football, quelle que soit son origine sociale. Il n’est jamais bon pour un pouvoir de ce type que des catégories sociales distinctes se fréquentent et communie ensemble.

Le marché face à ses contradictions

En Angleterre, il est question depuis quelques années de réaménager les virages et de faire place de nouveau aux terraces. Des places assises non occupées en masse se remarquent dans un stade et surtout à la télé. Debout on ne distingue pas ses vides que les diffuseurs ont besoin de dissimuler. La crise n’épargne pas les nouvelles classes aisées moins en phase avec la culture football que leurs devancières. Rien n’est jamais définitif en matière de football. L’argent est un outil de dissuasion, d’aseptisation, de division, de soumission et d’écrasement, mais vu la tournure que prend le football, il est fort possible que les tribunes du Royaume-Uni subissent une nouvelle gentrification inversée dans un proche avenir. Le stade à ceux qui connaissent et aiment le football, quelles que soient leurs origines sociales, quitte à écarter le produit de la crasse libérale. Quitte à se côtoyer et se parler de nouveau.