Gatsby Lockhart 1/2

 La piste des rêves…

Daytona Beach, État de Floride. De nos jours, les habitants du coin et les touristes s’amusent sur cette bande de sable fin, qui s’étale sur quelques kilomètres ornés d’hôtels modernes et de propriétés privées qui ont poussé comme des champignons depuis les années cinquante. On dit que la mémoire s’efface avec le temps, car jadis ce banc de sable d’une longueur interminable fut le terrain de jeu de pilotes et de champions automobile venu de tous les horizons pour disputer des courses et prendre part à des records de vitesse. Certains ont remporté des épreuves, d’autres y ont laissé la vie…

Vers la fin des années cinquante, des promoteurs construisent le circuit de Daytona qui se trouve à quelques kilomètres de la plage. Son musée témoigne d’une riche histoire, néanmoins la première partie du siècle dernier qui lie Daytona au monde du sport automobile est moins représentée.

Il faut se rendre à Ormond Beach, une petite localité adossée à la plage, pour trouver les traces de cette époque révolue. Le restaurant Rose Villa regorge de souvenirs qui témoignent d’un passé édifiant. Au mur de l’établissement sont accrochés des portraits de champions automobiles et de notables de la petite bourgade…

 Il était une fois Frank Lockhart

Avril 1928, le jeune marié et champion automobile Frank Lockhart est arrivé quelques jours plus tôt à Daytona Beach avec son équipe pour tenter de battre un record de vitesse, lors d’un week-end constitué par plusieurs épreuves. Sa monoplace, une Stutz équipée de deux moteurs 12 cylindres combinés et préparés par Lockhart, a été réalisée dans le but d’atteindre les 360 km/h

À cette époque, Daytona Beach est un coin perdu au nord de la côte Est de la Floride. C’est un bout de terre peu habité, mais il connait une légère activité depuis le début du XX siècle. Cet intérêt pour Daytona est le fait du magnat de l’immobilier Henry Flager, un homme d’affaires puissant connu pour être le presque créateur de la ville de Miami. Flager doit son immense fortune pour s’être associé vers 1865 à un jeune entrepreneur de Cleveland parti de rien du nom de John Davidson Rockefeller. Vers 1900 et suivant les conseils de Flager, Rockefeller retiré des affaires, achète un terrain sur la localité d’Ormond Beach à un jet de pierre de Daytona Beach.

Il fait construire une maison “the casement”, puis s’installe six mois de l’année dans cette propriété qu’il affectionne, loin des aventures de sa descendance maléfique. Le patriarche Rockefeller en profite pour faire sa petite tournée dans le paddock. Le vieux Rockefeller qui ne s’intéresse qu’aux disciplines individuelles fréquente le paddock, son domicile se trouve à trois cents mètres de la plage de Daytona.

Succès

Du fait d’un banc de sable stable et dur, Daytona Beach devient pour tout amateur et professionnel du monde de la course automobile un terrain propice au record de vitesse. Certes, le fait de réaliser une mauvaise manœuvre peut s’avérer dangereux pour n’importe quel pilote, même expérimenté, mais au fur et à mesure de son développement, Daytona attire tous les meilleurs pilotes du pays et de l’étranger.

Wonder Boy

En ce mois d’avril 1928, Frank Lockhart est une star du monde de la course automobile. Assurément, le jeune champion arpente les circuits en tous genres depuis trois ans seulement. Cependant, Lockhart s’est taillé une grosse réputation et un joli palmarès en un temps record. En tant que rookie, il a remporté les 500 miles d’Indianapolis au volant d’une Miller modifiée par ses soins. Rapide, agile et courageux, Lockhart ne se contente pas d’être un pilote.

Le jeune homme est fasciné par tout ce qui touche la construction d’une monoplace. Initié tôt dans sa jeunesse à la mécanique et au carrossage des voitures, il développe rapidement le concept du pilote ingénieur durant ses trois années passées chez Miller. Intéressé par les records de vitesse, il se lance dans la réalisation d’un demi-prototype, puis d’un deuxième. Harry Miller, son employeur, n’aime pas la façon de travailler de Lockhart.

Secret, méfiant, introverti, le jeune natif de Dayton dans l’Etat de l’Ohio, préfère évoluer dans son coin. Lockhart recrute deux mécaniciens, Myron Stevens et Floyd Dreyer qui l’accompagne dans sa destinée. Très vîtes, Lockhart se distingue par rapport à tous ses concurrents. Il est la tout premier homme du monde de la course automobile qui pense en matière de groupe propulseur, petit et léger. Il est aussi le premier à monter un refroidisseur intermédiaire, un intercooler qu’il fabrique en secret. Peu de temps après, Harry Miller et Frank Lockhart se séparent, ce dernier s’associe avec le constructeur Stutz.

Frank Lockhart à bord de son prototype