Eiji Sawamura, un trésor au pays du soleil-levant
Le baseball est un jeu populaire au Japon. La ligue professionnelle est réputée et reconnue comme une bonne League derrière la Major League US. Le nom d’Eiji Sawamura figure en lettre d’or sur bien des édifices au Japon et à tout ce qui touche au baseball. Le titre de meilleur lanceur de la saison porte aussi son nom. Comment et pourquoi un joueur de Baseball nippon peut-il nourrir un tel culte ?
Il était une fois Eiji Sawamura
Novembre 1934, Californie. Une délégation américaine composée des meilleurs joueurs de la Major League embarque sur le paquebot SS Tjinegara. Dans le désir de porter la bonne parole en extrême orient, les dirigeants de la MLB ont mis sur pied une formation All-Star. Babe Ruth, Jimmie Foxx, Lefty Gomez, Lou Gehrig, Charlie Gehringer, Moe Berg, Eric McNair, Earl Whitehill, Lefty O’Doul, Bing Miller, le tout chapeauté par le grand Connie Mack font partie du voyage.
Arrivée à Tokyo, les rois du baseball américains sont accueillis dans l’allégresse. Si les deux nations éprouvent des difficultés pour trouver des terrains d’entente sur le plan diplomatique, le sport reste à l’écart.
Cette année 1934 est importante pour le baseball japonais, outre la présence des stars de la Major League, un championnat professionnel calqué sur le modèle US est créé. Babe Ruth et ses compagnons font preuve de droiture lors de cette tournée. Il joue normalement et se défend de prendre de haut leurs opposants. Durant leur séjour au Japon, la formation de Connie Mack remporte les vingt-deux matches qu’elle dispute. Il n’y eut aucune surprise. Les Japonais ont un excellent niveau en matière de baseball, mais les stars de la Major League évoluent quelques crans aux dessus de leurs adversaires, et pourtant…
Le 20 novembre, les All-Stars affrontent une nouvelle équipe au Kusanagi Stadium à Shizuoka. La rencontre se déroule en toute logique, mais lors de la quatrième manche, le manager japonais décide de changer son lanceur. Eiji Sawamura âgé de dix-sept ans prend son gant et se positionne sur le monticule. Connie Mack et ses joueurs sont sceptiques. Certains rigolent, comment peut-on mettre un tel gamin à ce niveau de jeu. Les Japonais exagèrent…
Eiji affiche un physique de taille moyenne. Droitier, il semble fragile. Eiji lance. Tour à tour les batteurs des All-Star défilent sur le marbre. Eiji continue et réussit la manche parfaite en retirant les neuf batteurs. Il a concédé une seule base à Eric McNair. Les joueurs américains sont bluffés voir éberlué par l’audace du jeune lanceur japonais, quant à la foule, elle a trouvé son héros. Eiji dispute le reste de la rencontre. Il ne donne aucun point à ses adversaires qui ont un mal fou avec les trajectoires de ses balles. Eiji s’incline sur un home run de Lou Gerhig et les All-Star l’emportent sur la marque d’un point à zéro, mais la performance Eiji Sawamura vient de rentrer dans l’histoire du Baseball mondial.
Eiji Sawamura, lanceur starter des Yomiuri Jaiantsu « Giants »
Eiji Sawamura né le 1r février 1917 à Ujiyamada est initié au baseball par son père à l’école primaire. Eiji préfère lancer, il manque un peu de force pour jouer au poste de batteur. Durant ses jeunes années, Eiji se distingue par sa propension à lancer la balle en variant ses coups. Lors de la tournée US de 1934, il quitte le lycée. Il est sélectionné dans une formation pour affronter les stars US. Après son exploit, il intègre la toute nouvelle ligue professionnelle et s’engage avec les Yomiuri Jaiantsu.
En 1935, Eiji fait partie d’une sélection nipponne qui part en tournée aux États-Unis. Eiji fait feu de tout bois et remporte plusieurs matches. Certes, Eiji et ses compagnons sont opposés à des équipes issues des ligues mineures, mais les équipes de la PCL – Pacific Coast League – possédaient un excellent niveau.
Lors de leur première rencontre, Connie Mack proposa un contrat à Eiji pour jouer pour les Philadelphia Athletics en Major League. Eiji déclina l’offre, il ne se voit pas jouer aux États-Unis. Il est aussi rebuté par certains aspects de la société américaine. Entre 1935 et 1938, il devient le meilleur lanceur de la ligue japonaise.
Eiji Sawamura et Babe Ruth
En 1938, il est appelé sous les drapeaux. Il intègre le 33e régiment d’infanterie. Il est versé dans une unité de grenadier. Durant les combats qui l’opposent à l’armée chinoise, il est blessé à sa main gauche. En 1939, il réintègre les Yomiuri Jaiantsu. Eiji n’a rien perdu de ses qualités de joueur, mais doit s’adapter en fonction du léger handicap que lui occasionne sa main.
Trois ans plus tard, il est appelé à rejoindre son unité de combat. Après avoir mis le pied aux Philippines et sur l’île de Mindanao, Eiji rentre au pays. Il reprend le gant pour les Jaiantsu, mais il constate que son niveau de jeu a baissé. L’inaction a profondément altéré sa qualité de joueur. Vers la fin de l’année 1944, les Yomiuri Jaiantsu ne renouvellent pas son contrat. Eiji décide de mettre le baseball entre parenthèses en attendant que la guerre soit finie. En novembre 1944, il est mobilisé pour la troisième fois et retrouve le 33e régiment. Le 27 novembre, il monte à bord d’un navire avec sa compagnie. Le 2 décembre 1944, le sous-marin USS Sea Devil repère un convoi composé de bateau de transports et de destroyers dans le détroit de Taiwan en mer de Chine. Il lance plusieurs torpilles. Le navire d’Eiji est touché de plein fouet. Il sombre rapidement, emportant plus de trois cents soldats dans la mort et Eiji Sawamura à jamais.