Commentateur télé par Matías Prats Cañete

Quand on évoque l’histoire du football, on fait parfois référence à des voix. Celle de journalistes qui ont participé à faire du football un jeu populaire. Chaque pays possède ses voix inoubliables qui ont bercé, d’une certaine façon plusieurs générations de téléspectateurs. L’Espagne, elle aussi a eu droit à son commentateur attitré…

C’est avec la participation de la sélection espagnole de football au Mondial disputé au Brésil en 1950, que le grand public se familiarise avec la voix de Matías Prats Cañete. Auparavant, celui qui n’est pas encore la star du petit écran s’est taillé une réputation solide dans le petit monde des médias ibériques.

Oui à la poésie, non au journalisme

Durant son adolescence et à l’âge adulte, Prats né en 1913 à Villa del Río dans la province de Cordoba, côtoie l’idée de devenir journaliste, néanmoins et pour diverses raisons, la poésie est sa grande passion, il fréquente le monde de la presse, mais rejette l’idée d’intégrer un journal.

Au fil des années, Prats change son positionnement. Alors qu’il se trouve dans la capitale, la guerre civile débute. Prats délaisse Madrid et retourne dans sa province. Sur place, il rejoint une radio locale. Durant cette période, il est blessé à un œil par une balle perdue. S’il retrouve tant bien que mal la vue, son œil ne supporte pas la lumière. Ses médecins lui recommandent de porter des lunettes appropriées à son mal. Dès lors, Matías Prats ne paraîtra en public sans ses fameuses montures noires.

À la fin du conflit civil, Prats officie au sein d’une station locale de Radio National à Malaga. Il commente entre autres, les corridas et quelques rencontres de football. Au fil des retransmissions, son style s’affirme. Il décrit avec minutie ce qu’il perçoit chez les différents acteurs du jeu. En 1945, la capitale le rappelle. Prats gravit les échelons et prend en main le domaine de la production. Il fréquente aussi l’école du journalisme et obtient son diplôme de journaliste. Néanmoins, si Prats est doué pour l’écriture, c’est pour sa voix qu’il est nommé responsable pour les radiodiffusions à Radio nationale et continue à commenter des manifestations sportives. Il interviewe le toréador Manolete juste avant sa fin brutale.

Innovateur

À la pointe de l’innovation, Prats organise les week-ends football avec la retransmission de toutes les rencontres de la Liga avec le concours de divers reporters locaux sur Radio National. Parfois, intrigué par le déroulement d’une partie il quittait sa place bien trop confortable en tribune de presse pour s’asseoir au bord de la touche pour mieux s’imprégner de ce qu’il décrivait.

Soupçons

Avec l’avènement des retransmissions par le petit écran de l’ensemble des matches de Coupe d’Europe disputé par les clubs espagnols, Prats occupe à ce moment précis selon certains, une place centrale dans le dispositif qui vise à faire du football une sorte d’opium pour le peuple ibérique sous contrôle du régime franquiste. Cette litanie répétée sans cesse par des journalistes, universitaires et historiens libres tient en fait d’une ignorance voulue.

Le régime n’eut aucun effort à produire pour exploiter la rente footballistique à son profit. Le jeu était déjà amplement populaire avant l’apparition de la télévision, la matrice franquiste s’est simplement bornée à accompagner le phénomène football dans sa croissance.

Pionner infatigable

Durant les années soixante, Prats lance divers programmes consacrés au football et à l’ensemble du sport. Avec un pays en pleine croissance, le téléviseur devient peu à peu un objet familier dans les foyers aisés et populaires, même si les bars et restaurants ne désemplissent pas lors des retransmissions de rencontres importantes. La mort du General Franco ne change rien au statut de Prats.

Hors cadre

La mort du General Franco ne change rien au statut de celui qui est la voix du football et de la tauromachie. Prats était apprécié du grand public, peu importe le pedigree de ce dernier sur le plan politique et social. Matías Prats Cañete s’est efforcé à faire preuve d’un grand professionnalisme durant toute sa carrière derrière son micro. Prats n’a jamais été perçu par le grand public comme un symbole parmi d’autre du Movimiento et ne sait jamais sentit investit d’être un éducateur des masses. Dresseur d’otaries, n’étais pas son fort. Depuis, d’autres se sont chargés de la chose.

Distance et distorsion

Durant toute ses années de pratique, Prats s’est contenté de décrire ce qu’il voyait, ce qu’il ressentait au contact des terrains de jeu, sans pour autant faire la promotion d’un club, d’une direction, de joueurs par rapport à d’autre. On aimerait bien voir la même chose de nos jours. La distance.

Pourtant, Prats ne s’est jamais caché de l’admiration qu’il éprouvait pour Alfredo Di Stefano, le meilleur joueur vu sur les terrains de football. Une position qu’il faut un brin nuancée, Prats couvrait la presque totalité des rencontres disputées par le Madrid et l’Atletico de Madrid en coupe d’Europe et en Liga pour les rencontres disputées dans la capitale.

C’est au milieu des années quatre-vingt que Matias Prats Cañete abandonne son micro. Il disparaît en 2004 à l’âge de 91 ans.