Aux sources de la remontada
Alors que se profile la future élection présidentielle, le candidat Arnault Montebourg néolibéral et socialo-marxiste, positionné à gauche (ils le sont autant à droite et aux deux extrêmes) à baptiser sa course vers l’Élysée de remontada, pour reprendre un terme footballistique.
Le terme de remontada est fort ancien dans l’histoire du football ibérique. Le club du Madrid est l’auteur de plus d’une remontada au cours de son histoire, la première finale de Coupe des clubs champions européens face au Stade de Reims, notamment. Cependant, c’est au cours d’une soirée européenne que cette expression va prendre tout son sens.
Contexte
Lors de la saison 1975-76, le Madrid champion d’Espagne en titre participe à sa compétition favorite, la Coupe des clubs champions européens. En huitième de finale, le club blanc est opposé au tenant du titre en Angleterre, le club de Derby County. Trois ans auparavant, Derby manager par un jeune entraîneur Brian Clough avait atteint la demi-finale de la même compétition après avoir remporter son premier titre de champion d’Angleterre. La double rencontre face aux Italiens de la Juventus de Turin est houleuse. Le match retour jouer au stade Communale de Turin suinte la mascarade. Les Italiens se qualifient et rejoignent Belgrade pour disputer le match ultime qu’ils perdent face à l’Ajax d’Amsterdam. Malgré le départ de Clough, Derby est resté au sommet du football anglais.
Hostilités
Il ne reste aucune place de libre dans le Baseball Ground de Derby et la rencontre est dirigée par l’arbitre russe Anatoliy Ivanov. Dans cette confrontation anglo-hispanique qui sent le soufre, les coéquipiers d’Archie Gemmil entament le match, pied au plancher. Les Madrilènes mal à l’aise dans ce décor si anglais n’ont pas le temps de s’adapter aux conditions générales. Charlie George ancienne vedette d’Arsenal ouvre la marque sur une passe de Gemmil. Quelques minutes plus tard, il double la mise sur un penalty après une faute commise par Camacho sur Francis Lee. Les Madrilènes ne discutent pas, alors que la faute est inexistante.
Les castillans sont secoués puis réduise la marque grâce à leur milieu de terrain, le vaillant et inamovible Pirri, mais les joueurs madrilènes vêtus de bleu n’ont pas le temps de respirer. Sur un tir anodin à la limite des vingt mètres de David Nish, l’irréprochable gardien madrilène Miguel Ángel commet une bourde. Le ballon glisse sous son ventre. Enfin, Derby ajoute un quatrième but en deuxième mi-temps sur un nouveau penalty exécuté par Charlie George, le grand bonhomme de la soirée coté anglais. Les Madrilènes protestent auprès de l’arbitre soviétique qui fait preuve d’une fermeté qui va au-delà du simple fait d’appliquer les règles du jeu.
En amont le Madrid s’est vu refuser un but inscrit par Pirri pour un hors-jeu imaginaire. Cela fait beaucoup pour le club blanc, bien que le Madrid n’ait jamais eu à se plaindre de l’arbitrage sur la scène européenne, hormis deux ou trois rencontres.
Au match retour dans un stade Chamartin chauffé à blanc, le Madrid promet l’enfer aux Anglais. Beaucoup de supporters hors Madrid on fait le déplacement pour pousser à fond leurs favoris. Le match est dirigé par l’arbitre suisse Walter Hungerbühler.
Les coéquipiers de Santillana se jettent sur la balle et acculent dans leurs trente derniers mètres des Britanniques trop attentiste, sur d’eux, conforté par l’avantage acquis quinze jours plus tôt.
Après les critiques et réserves formulés envers l’arbitrage du match aller par la junte du club madrilène, c’est au tour des joueurs anglais de se sentir floués par l’homme en noir. Les joueurs de Derby ont d’emblée un aperçu de ce qui les attend. Dès la deuxième minute, suite à un centre dans la surface de réparation, l’attaquant Roberto Martinez s’appuie sur un défenseur britannique. Il le fait chuter, mais la balle est repoussée, juste le temps pour Martinez de se mettre debout et de dévier le cuir dans les filets du portier de County, Colin Boulton. L’arbitre valide le but alors qu’il est entaché d’une grosse faute sur un défenseur anglais. La suite de la rencontre se déroule selon un schéma somme toute classique. Les Madrilènes poussent, mais ils confondent vitesse et précipitation. Au repos, les joueurs de l’entraîneur Dave Mackay semblent avoir fait le plus dur, mais dix minutes après l’entame de la deuxième période, Amancio obtient un coup franc indirect dans les dix-huit mètres anglais. La faute sifflée est inexistante. Juste le temps pour Gunther Netzer d’offrir la balle de but à Martinez qui double la mise pour les blancs.
À la 78 minutes, le très remuant Amancio capitaine de la formation madrilène pénètre dans la surface de réparation de Derby et s’écroule sans que le défenseur anglais le touche. Le référé Suisse désigne le point de penalty au grand désappointement des joueurs de County. L’inébranlable Pirri se charge de porter la marque à trois buts à un et redonne espoir à l’aficion du stade Chamartin. Finalement, les hommes du coach Miljan Miljanic ont gagné le droit de disputer la prolongation.
Durant la première mi-temps, Santillana hérite de la balle aux abords des vingt mètres adverses. Il élimine son opposant direct en réalisant un sombrero, puis ajuste le portier de County d’un tir violent. Santillana libère les 100 000 supporteurs entassés dans le stade Bernabéu. Les Britanniques sont abattues. Ils essayent tant bien que mal de se ruer vers le but madrilène, mais les meringues jouent sur du velours. Dès qu’ils récupèrent la balle, ils temporisent et faisant circuler la balle. Quelques minutes plus tard, le référé Suisse met fin au calvaire des Anglais. La foule explose de joie, jamais le stade Bernabéu n’avait connu une telle intensité, même lors de la finale de Coupe d’Europe vingt-ans plutôt face aux Italiens de la Fiorentina. Les joueurs madrilènes rentrent aux vestiaires avec la satisfaction du travail bien fait.
La chronologie des deux rencontres est limpide. Un arbitrage mandaté pour avantager chaque équipe sur son propre terrain. Cependant, cette fois, le cadre du simple favoritisme a été dépassé.
À cette date, l’Espagne et l’URSS entretiennent des relations diplomatiques compliquées du fait des régimes en vigueur dans les deux pays. Le fait que l’arbitre russe Anatoliy Ivanov avantage le club anglais n’avait rien de surprenant. C’est le résultat d’une époque, tout comme la nomination du référé suisse pour diriger le match retour, bien que Santiago Bernabéu se soit toujours fait remarquer par sa propension à faire pression sur l’UEFA pour que le Madrid soit arbitré par des référés français, le plus souvent.
A l’origine la remontada est un fait sportif, néanmoins c’est aussi un fait politique.
Il est une heure du matin. Günter Netzer s’apprête à quitter le stade Bernabéu
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