Artisan à Wall Street

Récemment, la marque automobile Ferrari a fait son entrée en bourse à Wall Street. Pour certains, cette intronisation au temple du capitalisme est le résultat d’année de travail qui fait que Ferrari est unique au monde. Cette société transalpine flanquée de son inamovible cheval cabré a mis à disposition du marché, 17,2 millions de titres, ce qui correspond à 9% de son capital. Les actions proposées à 52 dollars ont rapidement trouvé preneur. La première cotation a fait grimper de 15 % l’action du Cavalino à l’ouverture de la séance. Ce résultat valorise le groupe à près de 10 milliards de dollars.

Peu après, un modèle de la marque, une Ferrari 335 S- Spider de 1957 construites en quatre exemplaires, champion du monde d’endurance, pilotée par Mike Hawthorn, Peter Collins et Maurice Trintignant à trouver un acheteur qui a débourser la modique somme de 32 millions d’euros lors d’une mise aux enchères par la maison Artcurial. Cette acquisition par un riche collectionneur fait suite à la vente d’une Ferrari 250 GTO de 1962, adjugée 28,9 millions d’euros à Pebble Beach en Californie

Une fois de plus la preuve est apportée, la marque de Maranello tire tout son prestige des années d’après-guerre. On a tendance à l’ignorer, mais Ferrari a bâti toute sa gloire dans les différentes épreuves de courses d’endurance. Les fameuses Mille-Miglia sont le point de départ de la saga du Cavallino après-guerre.

Après avoir réuni des fonds, Enzo Ferrai fonde la société Auto Avio Costruzioni, il construit deux modèles dénommés type 815 pour courir les Mille-Miglia. C’est en 1947 que Ferrai prend son envol définitif en produisant son premier modèle, la 125S. Cette barquette est dotée d’un douze cylindre et connaît le succès dans des courses multiples aux quatre coins de l’Italie.

Certes, dès le premier grand-prix de Formule 1 disputé en Angleterre sur le circuit de Silverstone en 1950, le Commendatore Ferrari aligne des monoplaces, mais la F1 ne constitue pas la priorité de Ferrari. D’autres écuries Alfa-Romeo et Maserati participe également à ce nouveau challenge qui fait suite au Championnat d’Europe des conducteurs

Les épreuves d’endurance constituent la nourriture de la maison rouge. Dans la Targa Florio et les Mille Miglia, Ferrari aligne des dizaines de voitures pour des concurrents privés ou de manière officielle. Le cheval cabré s’impose sur presque tous les circuits du monde et dans toutes les courses de catégorie sport. Les légendaires modèles 375 et testa-rossa 250 rayonnent au Mans et ailleurs. C’est durant toutes ces années que ce petit artisan symbole de la renaissance italienne de l’après guerre construit une mystique inégalé à ce jour.

En formule 1, Ferrari se contente de faire le minimum tout en remportant trois championnats, mais au tournant des années soixante, les Anglais prennent le dessus. Les britanniques se concentrent sur le châssis et l’aérodynamique du fait d’utiliser un groupe propulseur commun, à l’exception de la firme BRM. La Scuderia Ferrari fait de la figuration en F1 alors que les montures du vieil homme de Maranello face à Jaguar, Ford et Porsche rentrent dans la mythologie de la compétition automobile. L’arrivée du duo Niki Lauda et Luca Di Montezemolo et la vente forcée de la maison Ferrari au groupe Fiat pour rester économiquement dans la course dans les années soixante-dix, change la donne. Les rouges se retirent du Championnat du monde des marques, sans Ferrari l’endurance ne sera plus jamais comme avant…

C’est une époque où la formule 1  sous l’impulsion de Bernie Ecclestone se transforme. La F1 n’est plus qu’un commerce et Ferrari tire sa part du gâteau.

Enzo Ferrari n’ignorait pas que la F1 était la discipline reine, mais il fut toujours conscient que le prestige de la marque qu’il avait créée était le résultat d’une politique qui avait vu le cheval cabré s’aligner et triompher dans diverses formules.

Beaucoup de passionnées de la marque se demandent depuis quelques années si Ferrari ne serait pas tenté par un retour officiel au Mans et dans le Championnat du monde d’endurance. Mais Ferrari n’est plus une société artisanale dirigée par son créateur, c’est une firme qui répond au besoin du marché et le mauvais goût n’est jamais bien loin, seul l’avenir dira si le Cavallino veut renouer avec sa légende…