Arrêt de jeu

Trente-sept ans que Bjorn Borg, champion de tennis suédois qui a profondément marqué l’histoire de sa discipline s’est retiré de la compétition. Ce retrait sera parfois bafoué par quelques tentatives de retour sur les courts, mais sans grand succès. D’après les spécialistes, l’usure psychologique aurait eu raison du champion scandinave. C’est la version officielle qui court encore aujourd’hui. Une deuxième version perdure également. Le suédois désirait disputer que quelque tournoi par an, mais ce n’était pas suffisant pour respecter le quota initial de dix tournois de l’ATP. Il y a aussi une troisième piste qui n’a jamais été abordée. Celle du niveau tennistique du suédois face à ses adversaires traditionnels et la nouvelle concurrence. Bjorn Borg malgré son emprise sur le jeu qui fut de très courte durée, le champion suédois ne fut jamais en mesure d’apporter certaines corrections à son jeu.

Un jeu classique

Tous les spécialistes – encore eux – bassinent le plus souvent leur auditoire avec l’impérieuse nécessité de progresser ; or, un bon joueur ne peut guère changer son tennis une fois atteint l’âge adulte. Malgré certaines idées reçues, le champion suédois n’a apporté aucune nouveauté au tennis. Ses coups étaient répandus chez beaucoup de joueurs de son époque, dont son coup droit lifté. Une fois sur le circuit professionnel, Borg modifie l’exécution de son revers à deux mains avec la tête de raquette pointée vers le bas. Par la suite, le suédois n’a plus rien apporté de nouveau à son répertoire tennistique.

Méthode d’entraînement

Borg a été novateur sur un point central. Il a modifié l’approche du jeu par des techniques d’entraînement novatrices. Des rallyes interminables avec des séquences de jeu de plus de sept heures par jour passé sur les courts à taper dans la balle, le tout agrémenter de parcours du combattant et de footing de longue durée dans l’île que le jeune suédois s’était offerts avec ses premières victoires.

Évolution

Bjorn Borg ne fut jamais en mesure de corriger un défaut crucial. Sur la ligne de fond de court, le scandinave était étincelant en position d’essuie-glace. Il pouvait exécuter son passing de revers ou bien déployer ses attaques en coup droit. Par contre, il était le plus souvent handicapé sur son revers, quand il fallait avancer, monter au filet ou bien en tapant la balle en reculant. Il devenait imprécis au point de mettre la plupart du temps la balle dans le filet ou hors lignes.

Borg devenait une cible pour certains de ses adversaires qui en profitaient pour monter au filet ou conclure en fond de court. Alors que ce défaut rédhibitoire se fait de plus en plus apparent, le joueur atteint la plénitude de ses moyens sur le plan physique. Une déficience technique couplée à une usure psychologique et de l’autre côté un physique qui épouse la perfection. On pourrait parler de courbes qui se croisent concernant le champion suédois ce qui a entraîné un dysfonctionnement dans son jeu.

Borg n’aimait pas les gauchers, car ils pouvaient facilement trouver son revers et jouer avec. La plupart de ses adversaires étaient gauchers. Manuel Orantes, Roscoe Tanner, Guillermo Villas, Jimmy Connors et John McEnroe pour ne citer que les meilleurs. Le suédois n’a jamais considéré McEnroe comme un adversaire sur le long terme, mais bien plus comme un épiphénomène. Le temps lui a donné raison, mais c’est face au champion new-yorkais qu’il chute de son piédestal à cause d’un service volé qu’il ne peut absorber et qui met grandement en évidence certaines carences sur son revers déjà observé face aux batailleurs de fond de court.

Borg était conscient que les joueurs de sa génération avançaient ou essayaient de survivre en apportant des modifications à leur jeu, alors que lui stagnait. Incapable d’apporter le moindre correctif à son tennis. Son jeu était à l’état de glaciation. Borg n’a jamais abordé le sujet. On appelle ça l’orgueil du champion.